mardi 12 décembre 2006

Histoire des tambours Batá de l'ile de Cuba: - 1/7 - Avant-propos

Crédits photo: site de la Fondation Pierre Verger


Les tambours batá des yoruba - on employait auparavant de terme de "lucumí" plutôt que celui de "yoruba" - sont arrivés dans l'île de Cuba avec le culte de Changó. La majorité des esclaves yoruba de Cuba, arrivés essentiellement au XIXe siècle, étaient de nation Oyó, ou d'autres royaume yoruba sous l'hégémonie d'Oyó, prédominante au début de XIXe siècle.
L'histoire des tambours et des premiers musiciens de rituels est assez bien connue, encore qu'une grande partie de la recherche historique reste à accomplir. La tâche qui nous attend ici est évidemment quasiment insurmontable, à moins de réussir à recueillir dans les prochaines années les témoignages des derniers tamboreros des années 1940 encore vivants.
La proximité de Matanzas et de La Havane fait que se sont mélangé deux cultures légèrement différentes l'une de l'autre, en opposition de style sur certains plans, et en même temps s'influençant mutuellement, en partageant les mêmes rituels et les mêmes musiciens. Cette situation complique encore singulièrement nôtre tâche, nombre de musiciens émigrant de Matanzas à La Havane.

Le premier jeu de tambours consacré, qui porte le nom d'Añabí, est né à La Havane vers 1836. Il a servi à "parrainer la naissance" de nouveaux jeux consacrés. Tous les batá consacrés de Cuba ont en commun ce grand-père de 170 ans.
Peu après (ou en même temps), à Matanzas, les premiers jeux apparaîssent.
Dans les années 1930, les tambours ont commencé à sortir des rituels, et à connaître une diffusion plus élargie.
Au gré des périodes plus ou moins répressives d'un état cubain dirigé en sous-main par les Américains - de religion protestante - la pratique des cultes s'est maintenue tant bien que mal, jusqu'à connaître un certain essor à partir de l'ère castriste (1959), et à l'apparition d'un folkore-spectacle. Les religions Ocha et Ifá ont sans cesse prospéré depuis, jusqu'à concerner une large part de la population, difficile à estimer.

En guise de prélude à ce qui pourrait constituer une "première tentative" de reconstitution de l’histoire des tambours batá à Cuba, nous avons décidé de publier une "ébauche" historique en six articles séparés:
1° Avant-propos
2° Histoire des tambours batá à La Havane
3° Histoire des tambours batá à Matanzas
4° Récapitulatif des tamboreros cités
Article d'Ivor Miller sur Andrés Chacón
Article de Thomas Altmann sur un enregistrement disparu:
Giraldo Rodríguez - "Afro - Tambores batá" (1958).
L'enregistrement est téléchargeable au bas de ce dernier article.

Trois de nos informateurs à Cuba:
Sergio Quiros Jr, "Joseíto" Fernández,
René Vasquez Cepero:
Crédits photo: Patricio; La Havane 2003


Les sources contenues dans notre série d'articles sont multiples. Citons, par ordre d'importance:
-Les travaux de Fernando Ortiz répartis sur ses nombreux ouvrages.
-Le livre de l'américain John Mason "Orin Oricha".
-L'ouvrage en 2 volumes du CIDMUC co-écrit par plusieurs auteurs:
"Instrumentos de la Música Folclórico-Popular de Cuba"
-Ivor Miller et ses récents articles en plusieurs endroits du net.
-Des articles spécialisés, des sites ou des blogs cubains, américains ou européens, tels:
-iIarioba.tripod.com (USA)
-afrocubaweb.com (USA)
-batadrums.com (USA)
-ochemusic.de (Allemagne)
(pour ne citer que les principaux…)
-Enfin, des entretiens avec des musiciens Cubains tels:
-Lázaro Pedroso, célèbre akpwón havanais
-"Joseíto" Fernández Hernández, fils du célèbre batalero "Pito El Gago" Hernández
-"Sergito" Quiros Alfonso, fils de Sergio Quiros Sr, l'un des plus vieux joueurs de tambour batá en activité à La Havane
-René Vasquez Cepero "Nené", neveu de Lázaro Pedroso

Nous remercions par avance tous ces gens, ainsi que tous ceux cités par eux, qu'il serait trop fastidieux d'énumérer ici.
Nous espérons pouvoir améliorer au fur et à mesure ce sujet, car l'enquête reste ouverte, et les participations éventuelles et/ou propositions de corrections seront les bienvenues: errare humanum est.

John Mason: Orin Oricha - Songs for Selected Heads
(Ed. YTA, USA, 1992)

Cet ouvrage est sans conteste l'un des ouvrages majeurs sur la musique yoruba de Cuba paru ces dernières années - un “must have”, comme disent les Américains. Il a constitué pour moi, avec ceux de Pierre Verger et de Lydia Cabrera, une source sans cesse renouvelée de quantité d’informations sur le chant (il contient plus de 570 chants traduits en anglais), la langue, les tambours, l’histoire, et la religion yoruba de Cuba.
Les informations sur la langue qu’il contient m'ont parfois été contredites par des professeurs cubains tels Lázaro Pedroso. Il reste néanmoins un ouvrage majeur. On le trouve peut-être encore au Yoruba Book Center à Brooklyn (610 New York Avenue). Il est indisponible sur de nombreux sites (car épuisé). Je remercie au passage Olivier Marlangeon et Jean-Pierre Boistel pour m'avoir trouvé deux éditions de cet ouvrage.

Édition séparée de l'article d'Ortiz
Crédits photo: Régine Mano


Sur le sujet qui nous préoccupe particulièrement, c’est à dire l’histoire des batá et des "bataleros" (ou "olubatá", selon leur grade) de Cuba, on trouve chez Mason quantité d’informations. Il les tire, dans un premier temps, de l’article “tambores batá” de “Instrumentos de la Música Afrocubana” de Fernando Ortiz. Le nombre de détails ajoutés par Mason est tel que nous avons préféré en traduire les passages essentiels, plutôt que de nous référer uniquement à la version d'Ortiz.
La version d'Ortiz comporte cependant des précisions supplémentaires non-citées par Mason. Nous les utiliserons donc séparément.

Rappellons tout d'abord que les tambours batá étaient (et sont toujours) joués en Afrique exclusivement pour l'Oricha Changó et pour la Société des Egungun (société "à masque").
Au XVIIIe siècle, il existait certainement à Cuba une grande variété de tambours, pour divers Oricha, on en trouve d'ailleurs la trace dans les ouvrages d'Ortiz. Sans doute existait-il déjà des tambours batá, dont aucun n'était consacré, car le premier jeu consacré est apparu aux environs 1830. Le tambour batá a ensuite remplacé les autres tambours, pour finir par être joué pour tous les Oricha yoruba.

Nous verrons également que les deux foyers où sont apparus les tambours batá sont:
À La Havane, le quartier de Regla (et plus tard celui de Guanabacoa, qui jouxte Regla).
À Matanzas, où un style musique liturgique différent s'est développé parallèlement à celui de La Havane.
“La ville de Regla était une partie du port de La Havane par où arrivaient les esclaves, et où on leur ôtait les chaînes qui les entravaient (depuis le moment où les européens les avaient achetés en Afrique, ndt). La ville, quasiment africaine, avait été bâtie par les esclaves infirmes ou émancipés. La majorité de ceux qui avaient été envoyé là étaient Egbado et Ijebu. Regla est le quartier de La Havane où les premières pierres des religions afro-cubaines furent posées. Regla était appelée “Ará Olókun” (le pays de ceux d’Olókun”). Le reste de La Havane, de l’autre côté de la baie, était appelé “Ará Nla” (“le pays de ceux qui sont importants”) et Matanzas était appelée “Ará Ata” (“le pays de ceux du piment”). (Mason - Orin oricha p.13)
Les tambours batá appartiennent au milieux urbains, et se développent au sein des Cabildos de nation lucumí.

Procession de Cabildo lucumí
(Crédits photo: inconnus)


Il nous faut ici également énumérer des différents contextes successifs dans lesquels les tambours batá ont été joués depuis leur introduction à Cuba:

1° Les Cabildos Lucumí
La musique rituelle des esclaves des colonies catholiques (espagnoles, portugaises et françaises) d'Amérique a été moins réprimée que celle des colonies protestantes (anglaises et hollandaises). Les Cabildos étaient au départ des institutions officielles prévues par la loi espagnole, que les esclaves pouvaient intégrer, sous le patronage d'un Saint catholique. Ils existaient à Séville dès les années 1400.
Le premier Cabildo de Cuba aurait été fondé en 1598 (les dates varient beaucoup). Les esclaves de Cuba, de plus en plus grand nombre à partir du XVIIIe siècle, à cause du développement de l'économie sucrière, ont été encouragés, à partir de 1789, à l'initiative de l'évêque Pedro Agustín Morel de Santa Cruz, à former plus de confréries au sein des Cabildos. Chaque confrérie, situé dans un local précis, était en principe réservé à la pratique du culte catholique par les esclaves. À Cuba il s'est rapidement transformé en lieu de cultes afro-cubains. Dans le culte yoruba, le Cabildo se superpose quasiment au lieu de pratique du culte, conjointement aux "maisons de Saints", qui peuvent être des endroits séparés privés.
Les Cabildos Carabalí de Cuba ne se superposent pas aux lieux de cultes abakuá, qui sont dans des endroits séparés, longtemps tenus secrets (car interdits à la fin du XIXe siècle).
Au sein des Cabildos, les esclaves tenaient souvent des "caisses de solidarité" dont les fonds servaient à l'entraide mutuelle, qui consistait la plupart du temps à racheter la liberté de personnages-clés du culte (prêtres, devins, etc…).
Au XIXe siècle, tous les Cabildos "de nación" étaient regroupés à l'extérieur de l'enceinte de La Havane, afin de ne "déranger" personne parmi la population blanche. Un Cabildo pouvait regrouper plus d'un millier d'esclaves.
Les deux Cabildos lucumí fondamentaux de Regla sont:
le Cabildo Yemayá et
le Cabildo Santa Bárbara ou "Cabildo Changó Tedún".

Procession de Cabildo lucumí à Regla
(Crédits photo: Pierre Verger)
Photo tirée du site de la Fondation Pierre Verger)


2° Les Processions des Cabildos Lucumí
Chaque "Cabildo de nación" avait le droit de défiler annuellement le jour de l'épiphanie - 6 janvier. Au cours des siècles, les révoltes des esclaves ont parfois été liées au Cabildos. La peur liés à ceux-ci a entraîné soit l'interdiction de défiler, soit leur interdiction pure et simple, soit des réformes de fond pour tenter de les "assainir".
Les deux Cabildos lucumí de Regla rivalisaient de superbe pour leur défilé. Ces "sorties" constituaient les seules occasions pour les tambours batá d'être vus par des yeux profanes. Des photos de ces processions sont connues. La statue des deux Saintes catholiques (La Virgen de Regla et Santa Bárbara) étaient portées depuis la fameuse église de Regla jusqu'à la mer proche. Des offrandes étaient alors offertes à Yemayá et à Olókun. Le cortège se remettait en marche, puis s'arrêtait successivement devant le local de la police, devant la mairie, et devant la maison de chaque Oloricha de Regla, pour se terminer au cimetière de la ville.

Procession lucumí à La Havane
(Crédits photo: Pierre Verger)
Photo tirée du site de la Fondation Pierre Verger)


3° Les Tambours Batá en Dehors des Rituels
En de multiple occasions, dès les années 1930, les tambours batá eurent de nouvelles occasions de se montrer au public profane. Bien entendu, lors de ces prestations, on utilisait des tambours non-consacrés, ou "aberikulá" (ou judios"). Bien avant la rumba, qui quitta les quartiers défavorisés pour connaître un succès commercial dans les années 1950 (grâce à Alberto Zayas, au Coro Folklórico Cubano et au Muñequitos de Matanzas), la musique yoruba, à La Havane, a connu plusieurs étapes de "vulgarisation" et de diffusion.
En décembre 1935, comme le note Mason, les tambours batá furent joués lors d'un programme radio, "Cuatro Charlas Radiofónicas", l'audition était organisée par Gustavo Urrutia, dans un but ethnomusicologique.

Don Fernando Ortiz (Crédits photo: inconnus)


"En 1936, sur la requête du Dr. Fernando Ortiz, les batá sacrés furent joués pour la première fois à Cuba dans un contexte non-rituel, devant un public essentiellement profane. Les tambourinaires étaient ce jour-là Pablo Roche (iyá), Aguedo Morales (itótele), et Jesús Pérez (okónkolo)".

Conférence du 30 mai 1937 (Crédits photo: Fernando Ortiz)


Étaient présents en tant qu'akpwones: Alberto Angarica, Benito González Roncona, Eugenio de la Rosa, et Diego Pedroso.
Dans le choeur étaient présents: Antonia Rodríguez, Esther Núñez, Silvia Chávez, Esther Cruz, Beatriz Guerra, Dulce María Soria, Luisa Moya, Cristina María Galy, Alberto Zayas, Leonardo Valdés, Rafael Candina, Andrés López, Santo Llansó, Marcelo Domínguez,
A. Aparicio et Juan Francisco Cárdenas.

Fernando Ortiz posant lors de sa conférence avec les bataleros
(Crédits photo: Fernando Ortiz)


(n.d.t.: dans “Estudios Etnosociológicos” d’Ortiz, ce dernier publie le texte intégral de sa conférence, dont le titre est “Conférence de la Institución Hispanoamericana de Cultura, prononcée au théâtre Campoamor, le 30 mai 1937. Les joueurs de tambours sont bien les mêmes personnes, mais la date ne concorde pas). Il semble qu'il y aurait eu plusieurs conférences d'Ortiz.

Aguedo Moralés, Pablo Roche, Jesús Pérez
(Crédits photo: Fernando Ortiz)


Pour finir, signalons que dans le dernier ouvrage cité (CIDMUC) la fameuse conférence de Fernando Ortiz se serait bien déroulé au Teatro Campoamor à La havane, mais à nouveau en 1936, cette fois-ci (sic). Le débat est donc loin d'être clos…

4° Du Folklore de Cabaret au Conjunto Foklórico Nacional
Dans les années 1950, de la même façon que se créent à Cuba les groupes de rumba, des groupes de foklore commencent à voir le jour. Odilio Urfé monte plusieurs revues dont "Van Van Iroko". Le spectacle est présenté au Tropicana en 1956 et au Sans-Souci en 1958. Merceditas Valdés devient une star du genre dénommé "Afro". Les meilleurs tamboreros sont recrutés pour ces revues édulcorées: Jesús Pérez, Trinidad Torregrosa, Raúl Diaz

Membres du groupe "Lulú Yonkorí" d'Alberto Zayas
(Tropicana 1950's):
"Papo", Luisa Barroso, Ricardo Carballo,
Merceditas Valdés, Jesús Pérez, Ramiro Hernández
(Crédits photo: Ivor Miller)


C'est l'époque où la chorégraphe américaine Katherine Dunham commence à monter des spectacles à thème afro-caribéen, dont l'un se nomme: "Changó". Elle engage Francisco Aguabella sur le tournage du film "Mambo" en Italie, et les contrats s'enchaînent: Aguabella est alors engagé de manière permanente, et ne rentrera jamais à Cuba.
Après la Révolution de 1959, le gouvernement cubain accorde des crédits pour la création de "troupes de ballet d'état". Teatro y Danza Nacional est créé, dans lequel Jesús Pérez est investi, et, rapidement, le projet débouche sur ce qui deviendra le Conjunto Folklórico Nacional. Le folklore yoruba de Cuba entre, au même titre que les autres musiques cubaines, dans le domaine très officiel du "spectacle culturel". Encore une fois, ce sont les meilleurs musiciens qui sont engagés.

Inconnu, Merceditas Valdés,
Trinidad Torregrosa, Raúl Diaz et Francisco Aguabella
Vers 1952 (Crédits photo: Michael Spiro)

lundi 11 décembre 2006

Histoire des Tambours Batá de l'ile de Cuba: - 2/7 - La Havane: De Atandá à Akilakuá

Procession à la Virgen de Regla
Crédits photo: Miguel "Willie" Ramos, ilarioba.tripod.com


Mason commence ainsi son chapître sur l'histoire des tambours:
Ortiz rapporte que les batá furent joués à Cuba pour la première fois dans un Cabildo lukumí de La Havane nommé Alakisa (“Ceux qui sont en haillons”) qui se situait rue Egido (Habana Vieja, ndt).
Dans le premier tiers du XIXe siècle, un esclave connu sous le nom de Ño Juan el Cojo, Añabí (“Añá est né”), arriva à Cuba. Il était dit que dans son pays cet homme était Babalawó, Olosáin (c’est-à-dire herboriste), et Onilú (tambourinaire assermenté). Il doit être cependant remarqué que, normalement, les Onilú ne peuvent devenir prêtres que dans le culte d’Añá.
Peu après son arrivée à Cuba, une charrette chargée de canne à sucre lui fractura la jambe alors qu’il se rendait au travail, à l'ingenio. Il fut transporté dans un barracón qui servait hôpital aux esclaves, dans le quartier de Regla. Il entendit alors, avec émotion, le son d’un tambour rituel qu’il n’avait pas encore entendu depuis qu’il était sur l’île.
Quelques temps après, il rencontra un autre lukumí, un vieil esclave nommé
Ño Filomeno García, "Atandá". Juan El Cojo avait connu Filomeno García en Afrique, car lui aussi était Olubatá ("chef-des tambours-batá"). Tous deux décidèrent d’aller au Cabildo Alakisa, et constatèrent que les tambours batá qui s’y trouvaient n’étaient pas conformes, et qu’il n’y avait sur l’île aucun jeu de tambours consacrés. Vers 1830, ils s’associèrent.
Filomeno García "Atandá" était également agbégi (sculpteur) en Afrique, et dans l’île de Cuba, où il était déjà reconnu en tant que tel.
Atandá était de pays Egbado et travaillait comme “pilote de bateaux”.
Il est également connu pour avoir taillé le masque d’Olókun (peut-être d'origine Geledé) utilisé au XIXe siècle à Regla, lors de cérémonies pour cet Oricha.
Atandá savait également comment sculpter les tambours, et les deux amis commencèrent à construire ensemble un jeu de batá rituels selon les rituels de la tradition ancestrale. Il le consacrèrent et lui donnèrent le nom de Juan El Cojo, Añabí. Ce premier jeu, qui a plus de 170 ans, passa plus tard en héritage à un grand tambourinaire nommé Andrés Roche, connu pour ses qualités de musicien sous le nom de Andrés “Sublime”.

Pablo Roche Cañal (1954)
Crédits photo: Fernando Ortiz,
tirée de Orin Oricha de J.Mason


"Après sa mort, son fils Pablo Roche, omo Obatalá, nommé Akilakpá (“homme courageux au bras puissant”), (d’autres sources disent “mano prodigiosa”, ndt), en hérita à son tour.
Bien qu’il soit mort aujourd’hui, cet homme est toujours révéré comme le plus grand olubatá que Cuba ait connu".
(ndt: La légende de Pablo Roche racontée par les tamboreros et les akpwones raconte qu'un jour il a dû remplacer son père malade, et qu'il s'est mis a jouer toute la cérémonie, sans jamais avoir pratiqué le tambour auparavant).

Atandá, en plus d’être olubatá, était également Babalawó. Son nom en Ifá était ’Falubí. Atandá eut un fils qui était à la fois tambourinaire et Babalawó: Quintin García "Ifábolá".
Atandá et Añabí furent également les fondateurs d'un Cabildo lukumí a Regla nommé Cabildo Yemayá (associée à la Virgen de Regla, ndt). Ils collaborèrent pour cela avec le grand Babalawó lukumí Addéchina (Remigio Herrera), qui est l'homme qui a introduit à Cuba le culte d'Ifá".

Remigio Herrera "Addéchina"
(Crédits photo: ilarioba.tripod.com)


ndt: Remigio était également joueur de tambour. Prêtre d'Ifá à Oyó, il arrive (via la traite clandestine) comme esclave à Cuba. à la fin des années 1820. Il travaille dans un ingenio, mais rapidement (en 1827) des esclaves se cotisent pour racheter sa liberté.
Il crée le premier Cabildo Lucumí de Matanzas, le Cabildo Santa Bárbara, situé 175 Calle Dahoiz, au coin de la calle Manzaneda.
En 1865 il déménage à Regla et fonde le Cabildo Yemayá.
En 1866 le Cabildo reçoit son jeu de tambours fabriqués par Atandá et Añabí. Ce second jeu, appelé “Atandá”, du nom de Filomeno García, fut à une certaine époque confisqué par les autorités puis retrouvé et remis entre les mains d’Akilakpá (Pablo Roche). Akilakpá a donc eu en sa possession les deux premiers jeux de tambours Cuba.
En 1872 Remigio habite 23 rue San Ciprián à Regla".

Josefa Herrera "Pepa"
Crédits photo: Miguel "Willie" Ramos, ilarioba.tripod.com


Remigio "Addéchina" était également le père de l’octogénaire et populaire Iyalocha "Pepa" (Josefa Herrera, “Echú Bí”). À la tête du Cabildo Yemayá, Pepa, une des premières Oloricha consacrées à Eleguá, célèbre pour les anciennes processions à Ochún et Yemayá dans la ville de Regla, mourut en juillet 1947.
Pablo Roche et Jesús Pérez sont considérés comme ayant influencé énormément le jeu à cette époque (1930-1950).
Pablo Roche a continué à perpétuer la tradition de la facture de tambours, commencée par Atandá, en compagnie de Gregorio “Trinidad” Torregrosa".

Trinidad Torregrosa (?) devant son "canastillero"
(et un jeu de batá en construction?)
(Crédits photo: inconnus)


"Ortiz rapporte également qu’il existait un jeu “très joué” construit par Martin Oyádiná, décrit comme “un créole à la peau foncée”, pour le premier Cabildo de Regla, le Cabildo Changó (Cabildo Santa Bárbara ou Changó Tedún). Ce jeu était surnommé, à cause de la qualité de sa sonorité et de sa facture, “La Niña Bonita”. Ce jeu fut confisqué et se trouve maintenant au Museo Nacional de La Havane".

Pablo Roche Cañal "Akílakpá"
(Crédits photo: inconnus)


En cherchant à nouveau dans l’article de Fernando Ortiz mentionné par Mason, il apparaît de plus que:
"Dans les années 1940, Pablo Roche fit “un autre jeu de tambour en acajou, pour l’excellent olubatá José Calasanz Frías, surnommé "Moñito”. (…)
"En 1950, on estime qu’il y avait à Cuba environ vingt olúbàtá accrédités et environ quinze jeux de tambours consacrés à Àñá" (Mason- id).

dimanche 10 décembre 2006

Histoire des Tambours Batá de l'ile de Cuba: - 3/7 - Matanzas: de Carlos Alfonso à Chacha Vega

Crédits photo: inconnus


Toujours selon Mason, à Matanzas "il existe trois autres jeu créés par Filomeno García "Atandá" qui méritent d’être mentionnés":

L’un d’eux, fabriqué pour les lukumí de l’ingenio San Cayetano, existe encore aujourd’hui, et les tambours sont toujours joués. Ils ont été la propriété de Carlos Alfonso, onichangó et olubatá. Carlos Alfonso fut l’un des plus grands tambourinaires de son époque, et était également investi du savoir nécessaire pour jouer les tambours arará en rituels. On dit également de lui qu’il était un des très rares hommes à Cuba à pouvoir jouer les tambours d'Olókun.

Le second jeu construit par Atandá fut créé pour Eduardo Salakó. (ndt: Eduardo Salakó avait la réputation de faire “parler le tambour”, dans un langage compréhensible par les lukumí. On dit qu’il pouvait commander à boire ou à fumer rien qu’en jouant le tambour). "Salakó était Babalocha, omo Obatalá, et membre du "Cabildo Lukumí" de Matanzas. Il était créole, descendant de lukumí, et un fameux tambourinaire. Il était également Olosáin, Mayombero en Congo, et maître dans d’autres rites afro-cubains. Quelques-uns affirment que ce second jeu de tambours aurait été fabriqué par Salakó lui-même, alors qu’Atanda était déjà mort. Salakó et le fameux Babalawó Obadimeyí, “owó merindilogún” (“seize cauris”), furent parmi les grands architectes du culte yoruba moderne à Cuba. Salakó mourut après avoir joué dans un rituel de danse masquée pour Olókun, en 1913 ou 1914. Ses tambours batá ne furent jamais rejoués depuis.

Le troisième jeu d'Atandá fut construit pour Manuel Guantica, à propos duquel il est malheureusement très difficile d'obtenir des informations" (Mason - id).

Crédits photo: Daniel Genton


Dans une lettre au musicologue américain Miguel W. Ramos, l'historien matancero Israel Molinar nous apprend que:
"Le 4 décembre 1873, un document officiel de police rapporte au Gouverneur Civil de la ville de Matanzas qu'un incident notoire a eu lieu au Cabildo Santa Bárbara, situé Rue Manzaneda, au coin de la rue Velarde, où Ño Remigio Herrera "Addéchina" a joué trois étranges tambours qu'il a appelés: batá".

Miguel W. Ramos nous dit également que:
"Entre 1890 et 1900, sur une requête des Orichas exprimée via l'oracle, les Lucumí commencèrent à partager leurs connaissances avec les Arará. C'est Ma Monserrate González qui commence à leur apprendre le système de divination avec les cauris ou diloggún, et, en retour, ils ont appris aux Lucumí les secrets de Babalú Ayé, Nanumé, Nana Burukú, et d'autres divinités Arará".

Le 16 décembre 1901 naît dans la province de Matanzas Nicolas Valentín Angarica (Oba Tolá), fils de Rosalina Angarica and Ramón Rubio. La mère de Ramón était d'ascendance Lucumí. Les parents de Rosalina venaient directement de la région d'Oyó. Rosalina avait même gardé son nom de naissance Lucumí: "Ayobo". Ramón et Rosalina, vivant dans le quartier Carlos Rojas de Matanzas, n'étaient pas mariés, et Nicolás garda le nom de sa mère. Il est le chef de file d'une des grandes familles de musiciens, qui tous vivent aujourd'hui à La Havane. Connu pour avoir écrit le premier livre sur la religion yoruba, en 1950: “El Lucumí al Alcance de Todos”. Nicolas Valentín Angarica, Obatola, est mort en 1963.

Itótele ayant appartenu au
Cabildo Changó Tedún de La Havane
(tambour confisqué entre 1920 et 1940 par les autorités)
Crédits photo: Museo Nacional de La Havane


"Au cours du XXe siècle, de nouveaux jeux consacrés furent construits. Le premier facteur de cette époque fut Adofó (Alejandro Alfonso), de Saravilla, à Matanzas, qui mourut en 1946. Il fabriqua trois jeux connus.

Le premier jeu fut destiné au Cabildo lucumí du quartier nommé "Majaqua" à Unión de Reyes. Ces tambours, à la mort d’Adofó, furent remis au célèbre tambourinaire Miguel Somodevilla.

Le second jeu construit par Adofó fut destiné au populaire (et riche) Cabildo havanais Shangó Dé Dún (ou Changó Tedún, ndt).

Le troisième fut pour l’olúbàtá Nicolás Angarica (“Oba Tolá”. Son fils, “Papo” Angarica, continue la tradition aujourd’hui, à La Havane.

Un quatrième jeu fabriqué par Adofó est à l’heure actuelle, à Matanzas, en possession de l’olúbàtá Esteban “Chachá” (Vega) Domingo, “Ochún Ladé”. Ces tambours ont appartenu à Carlos Alfonso, et avant lui à ses grands-pères, des lukumí de l’ingenio San Cayetano cité plus haut. Ce jeu serait donc le second jeu dont Carlo Alfonso a hérité de San Cayetano (Le premier avait été fabriqué par Atandá…). Quand la plupart des vieux lukumí de San Cayetano furent décédés, le jeu fabriqué par Adofó retourna au Cabildo Shangó Dé Dún" à La Havane.

Felipe García Villamil


Felipe García Villamil “Ogundeyí”, aujourd'hui aux États-Unis, a été initié à Añá en 1944 (à l’âge de 11 ans). Il a apporté à Mason beaucoup de renseignements sur l’histoire des tambours à Matanzas.
En 1938 son grand-père, Noblas Cardenas avait au moins 90 ans.
En 1945 Carlos Alfonso avait à peu près 50 ans, et serait mort quand il avait 70 ans (en 1965?).

En juillet 1987, Isaac Calderón, était à 83 ans le plus vieil olúbatá de Matanzas - et peut-être de Cuba. Il était dans le “tambour” de Chachá Vega. Il jouait les batá depuis 1927, et avait officié avec les célèbres Pablo Roche, Noblas Cardenas, Eduardo Salakó, Carlos Alfonso, Fermín Erelia, Vicente Erelia, Ernesto Torriente (“Negro Chamblelona”), et Bonifacio “Patato” Herrera Villamil. Isaac dit encore que dans les premiers temps, à Matanzas, lui-même ne connaissait que deux jeux consacrés:

Celui fabriqué par Atandá que possédait Carlos Alfonso, et celui de Bonifacio “Patato” Herrera Villamil qu’avait construit Noblas Cardenas.

Il mettait l’accent sur le fait qu’en ce temps-là les tambours étaient consacrés par un Olosánin (Osáiniste), et non par un Babalawó comme aujourd’hui. La plupart des joueurs de tambour de cette époque n’étaient pas initié à un Oricha, mais avaient “les mains lavées” et se consacraient à Añá, lors d’une cérémonie spéciale, également pratiquée par un Olosáin.

Bembé pour Changó (Crédits photo: inconnus)


Dans la seconde moitié du XIXe siècle Noblas Cardenas “Obankolé” est arrivé d’Oyó. Il était Babalawó et prêtre d’Obàtálá. Avec Mauricio Piloto, prêtre de Changó (“Abíawo Ochabíowo”), il créa le premier jeu de batá consacré de Matanzas, nommé “Añábí Oyó” (“Añá donne naissance à Oyó”). Ce jeu était joué exclusivement pour le Cabildo de "San José & Santa Teresa", fondé par Noblas Cardenas.

Un autre jeu, nommé “Ilú Añá” (“le tambour d’Añá”) fut construit. Il était joué dans les autres maisons de Saint. Des mains de Noblas Cardenas, les deux jeux passèrent dans les mains de Bonifacio “Patato” Herrera Villamil, qui était prêtre d’Agayú. De Bonifacio les tambours passèrent dans les mains de Dionisio “Pipi” Olloa, qui les lègua à Tano Bleque. C'est ce dernier qui enseigna le tambour à Felipe Villamil.

Tano Bleque était le beau-père de Ricardo Fantoma(s), mais ils ne vivaient pas ensemble. Quand Tano est mort, Ricardo récupéra les tambours, sans savoir que Tano avait retiré l’aché (le petit paquet contenant une préparation spéciale qui est placé dans le tambour iyá de chaque jeu consacré, ndt) du jeu “Añá bí Oyó”. Tano avait donné des instructions pour que l’aché soit transmis à Felipe Villamil, ce qui fut fait. Felipe est parti aux USA en 1980 (“mariéliste”?, ndt). Les tambours avec leur aché y sont arrivés en 1982.

Le second jeu passa de Ricardo Fantoma à son fils Julio Fantoma Marcos Suárez, et il est toujours joué à Matanzas". (…)

Jesús Pérez, Mario "Papo" Angarica et
Esteban "Chachá" Vega
Crédits photo: Gerald Gerrard, pour Mario Angarica
(photo tirée de Orin Oricha de J.Mason)


"Il est important de savoir que Chachá est unanimement considéré comme le plus grand olubatá vivant aujourd’hui à Cuba. Cette considération est basée, comme on le fait au Nigeria, à la fois sur son âge, sa technique, sa connaissance de la tradition, sa capacité à satisfaire les Orichas et les ancêtres, et à communiquer plus de choses aux gens qui l’écoutent, dans le message de son tambour. Comme pour ses prédécesseurs, et pour ses successeurs, la célébrité est mesurée au nombre de fois où on l'engage, où on l’invite à jouer, et au statut de ceux qui l’invitent. Chachá est né en 1925 et a appris à jouer le tambour avec Miguel Achira et Carlos Alfonso (avant d'être élève de Pablo Roche?, ndt). (Mason - id).

À la lecture de l’exhaustif (mais lui aussi malheureusement épuisé) ouvrage “Instrumentos de la Música Folclórico-popular de Cuba”, en 2 volumes, publié par le CIDMUC en 1997, on retrouve, outre force détails provenant de l’œuvre multiple d’Ortiz, encore d’autres informations, elles-aussi soit complémentaires, soit contradictoires vis-à-vis de Mason, à l’article “Tambores Batá” (p.157):

“Tous ces jeux de batá (de Matanzas, construits par Atandá) furent fabriqués après ceux faits et consacrés initialement à La Havane. Cependant, à la lumière de récents entretiens avec les olubatá matanceros Amado Diaz Alfonso et Esteban Vega “Chachá”, tous deux estiment que le batá est né à Matanzas - en particulier dans une localité proche du village de Cidra, et qu’à partir de là il se serait diffusé vers d’autres zones du territoire matancero et vers La Havane".

(Crédits photo: inconnus)


"Pour Amado Diaz, la tradition de facteurs de tambour et de religieux matanceros est très liée à sa famille, puisque le premier jeu de fundamento - selon ce qu’il affirme avec certitude - aurait été fabriqué par son arrière-grand-père, “Tele Maddo” (Clemente Alfonso) pour l’ingenio San Cayetano de Cidra, (province de) Matanzas, en 1874. Il donne de plus la date précise du 16 avril 1874, à laquelle ces tambours furent joués “devant les esclaves” (…).
Après Clemente Alfonso, Adofó (Alejandro Alfonso) et Adaché (Eduardo Alfonso) continuèrent la tradition familliale.
Fernando Ortiz fait référence à Adofó comme “le premier fabricant de tambours de l’ère républicaine” (après 1901).

Dans les années 1950, Amado Diaz construisit et consacra pour sa famille le jeu qu’on appelle “la Bomba Atómica” ou simplement “la Atómica”, en référence à sa force religieuse et musicale. Joué pour la première fois en 1956, ce jeu passera à la mort d’Amado dans les mains de son fils Amadito Diaz". (…) (Mason - id).

On peut entendre Amado Diaz jouant Iyá dans l'enregistrement d'oro seco matancero figurant dans deux disques quasiment identiques:
-Cantos de Santería (Artex 090, 1994)
-Sacred Rhythms of Cuban Santeria (Smithsonian Folkways 40419, 1995)
Ces deux disques sont disponibles sur nombre de sites.

À Jovellanos (province de Matanzas), il existe un autre jeu de batá appartenant au tamborero Gumersindo Hernández, surnommé “Bonkito”, et dont le nom de religion est “Agófokas”. Ces tambours furent consacrés à Añá en 1950 par un olubatá de Matanzas appelé “Tano (Bleque)”. (Ortiz - Los Tambores Batá).

Pochette du vinyl
"Antología Egrem de la Música Afrocubana"
vol.II, Orú del Igbodú (1977); (Crédits photo: CIDMUC)
La photo (inversée) représente un des tambours du matancero Ricardo Suárez "Fantomas",
chez qui l'album a été enregistré


"La présence des tambours batá s’est localisé seulement dans les provinces de La Havane et Matanzas, principalement dans leurs capitales. (…) (Lydia Cabrera limite les cultes yoruba aux "quatre provinces de l'ouest", ndt).
En confrontant les nombreux témoignages, il apparaît que:
“à Nueva Paz (situé à 50 kms au sud de Matanzas, ndt), il n’y avait ni tambours batá ni tamboreros, mais il y avait des cérémonies, et des ensembles de tambours venaient de Matanzas. Fantomas était le musicien avec le plus important en termes de fundamento, et c’était lui qui venait jouer à Nueva Paz, à chaque fois qu’on y faisait une cérémonie.
Dans les petites bourgades de province - jusqu’à Camagüey et Florida - on avait recours aux “tambours” de Jesús Pérez, de (Nicolás?) Angarica, de Fermín (Basinde), de Gustavo (?) et de (Andrés) Chacón, qui venaient tous de La Havane et à ceux de Fantomas, d’Amado (Diaz), de Chachá (Vega) ou de Cuchó (?) qui venaient de Matanzas." (…)

"Le premier jeu de fundamento qui joua à Santiago fut celui de Fantomas en 1950. Actuellement on dénombrerait environ 16 jeux de tambours à Santiago, dont le premier aurait été amené en 1962 par Milián Galí (qui a vécu à Matanzas et à La Havane, ndt). (…)
Dans la province de Villa Clara, il existe depuis 1962 un jeu de tambours appartenant au Cabildo Santa Bárbara de Sagua la Grande”.

Raúl Diaz et Giraldo Rodríguez
(Crédits photo: Fernando Ortiz)


Grâce à ces trois sources compilées (Mason, Ortiz et l'ouvrage du CIDMUC), et aux autres sources, nous voici maintenant en possession de nombreux éléments quand à la chronologie des évenements, et aux protagonistes (olubatá et facteurs de tambours).
Notre enquête sera complétée par les trois articles qui suivent.

Regla, Guanabacoa et Matanzas apparaissent nettement comme les trois noyaux les plus importants.
Ajoutons encore que nombre de joueurs de batá matanceros ont migré à La Havane, malgré l'opposition de style entre les deux foyers.
On peut se féliciter que le style de batá matancero soit encore vivant, au moins dans la religion. Cette situation implique le maintien de sa tradition musicale. Beaucoup de bataleros matanceros ont, répétons-le, émigré à La Havane. Beaucoup y ont appris le style havanais, pour pouvoir jouer à La Havane. Mais, en tant que percussionnistes non-matanceros, et à plus forte raison non-cubains, on peut être amené à se poser la question; dois-je étudier (en plus) le style matancero?
On peu penser que peu de Cubains ont fait cette démarche. En dehors de Cuba, on peut d'autant plus se poser la question que, d'une part:
l'apprentissage des batá est très fastidieux (à cause essentiellement de l'étendue du répertoire), et d'autre part:
on ne peut guère espérer gagner sa vie en jouant ce tambour.
Rares sont ceux qui s'y sont intéressés. Citons l'américain Bill Summers (qui a édité un relevé d'oro matancero dans son ouvrage "Studies in Batá"), et les français Roger Fixi et Pascal Parent.

Les théories de certains matanceros s'opposent à d'autres, havanaises, quand à la genèse des premiers jeux de tambours.
On ne peut que tenter de comparer ces sources, en se contentant de les juxtaposer.

samedi 9 décembre 2006

Histoire des Tambours Batá de l'ile de Cuba: - 4/7 - Récapitulatif des joueurs de tambour

Trinidad Torregrosa (?), Regla
Crédits photo: site cubain guije.com


(selon un ordre plus ou moins chronologique)

Tamboreros de la Havane:

-Filomeno García "Atandá", années 1830
-Juan "El Cojo", années 1830
-Quintin García "Ifabolá", années 1860
-Andrés Roche "Sublime", années 1910
-Victoriano Torres Adyaí "El Lukumí", 1920s, élève de A. Roche
-Hurtasio Jíke, années 1920, élève de Andrés Roche
-Pablo Roche Cañal "Akilakpá", années 1930
-Gregorio "Trinidad" Torregrosa "E Meta Lókan", 1930s
-Miguel Somodevilla, années 1930
-Fermín Basinde, années 1930, élève de Pablo Roche
-Jesús Pérez “Oba Ìlú”, années 1940, élève de Pablo Roche
-Raúl Díaz “Asago”, années 1940, élève de Pablo Roche
(D'autres disent "Nasakó" pour Raúl Diaz. Ortiz le nomme "Omo-Ológun".
-Giraldo Rodríguez Bolaños, 1940s, élève de Pablo Roche
-"Aguedito" Moralés, années 1940, élève de Pablo Roche
-Virgilio Ramírez, années 1940, élève de Pablo Roche
-Andrés Isaki, années 1940
-Armandito Sotolongo, années 1940, élève de Pablo Roche
-“Yayo”, années 1940, élève de Pablo Roche
-Francisco Saez Batista, années 1940, élève de Pablo Roche
-"Meraldo", années 1940, élève de Pablo Roche
-"Felungo", années 1940, élève de Pablo Roche
-José Calasanz Frías "Moñito”, années 1940
-Pedro “Aspirina”, élève de Pablo Roche, années 1940
-Mario “Aspirina” Jauregui, élève de Pablo Roche, années 1940
-Francisco Hernández Mora ”Pancho Quinto", Pablo Roche
-Andrés Chacón Franquiz, 1940s, élève de Miguel Somodevilla
-Gustavo Díaz
-"Tito" (Marianao), frère de Hurtasio Jíke
-"Chito" (Marianao), autre frère de Hurtasio Jíke
-Luis Chacón Mendivel "Aspirina"
-"Wichichi”
puis, plus tard:
-Armando Abellí “El Monón”, élève de Jesús Pérez
-Ángel Bolaños, élève de Jesús Pérez
-Regino Jiménez, élève de Jesús Pérez
-Alberto Vilarial Peñalver, élève de Fermín Basinde
-Papo Angarica
-Enrique Sotolongo "Chancleta", élève de Fermín Basinde
-Sergio Quiros Sr., élève de Fermín Basinde
-Nicolás "de Guanabacoa", élève de Fermín Basinde
-Rolando "El Gordo", élève de Fermín Basinde
-"Yeyito", élève de Fermín Basinde
-Guillermo "El Guille"
-Guillermo y Miguelito, élèves de Fermín Basinde
-"Windo" Jáuregui, élève de Fermín Basinde
-Fermín Naní
-Armando Pedroso “El Zurdo”
-“Pito el Gago” Hernández, élève de Andrés Chacón
-Alfredo “de Las d’Aida”
(ainsi nommé car du groupe féminin “Las d’Aida”)
-Amado “de Las d’Aida”(idem)
(Oba de Oricha Oko)
-Amado Gómez Molina
-Armando López Molina
-José Pilar Suárez
-Amador
-Manolito Caravela
-"Sospecha"
-Carlos Aldama Pérez
-Alfonso Aldama Pérez
-Felipe "Makaro"
-Lázaro Bonilla Chacón
-Isidro Medina
-Luisito Medina
-Julito Medina
-Yeyito Medina
-Frán Medina
-Ramiro Hernández
-Ramiro Pedroso
-"Charol"
-Roberto Borrel
-Ricardo Carballo
-"Jorgito”, élève de Papo Angarica
-Julito Collazo “Oba Funmìlú Añá”, années 1950
(émigre aux États-Unis dans les années 1960)
-Orlando “Puntilla” Ríos “Obatilemi”, années 1970
(émigre aux États-Unis en 1980)

Tamborero inconnu, Regla
Crédits photo: site cubain guije.com


Tamboreros de Matanzas:
-Remigio Herrera “Addéchina”, années 1830
(émigre à La Havane en 1865)
-Eduardo Salakó, années 1840
-Clemente Alfonso "Tele Maddo", années 1870
-Alejandro Alfonso "Adofó", années 1900
-Noblas Cardenas, années 1900
-Bonifacio “Patato” Herrera Villamil, années 1910
-Eduardo Alfonso "Adaché", années 1920
-Carlos Alfonso, années 1920
-Miguel Somodevilla, années 1920
(a émigré à La Havane dans les années 1930?)
-Issac Calderón, années 1930
-Dionisio “Pipi” Olloa, années 1930
-Miguel Achira, années 1930
-Fermín Erelia, années 1940
-Vicente Erelia, années 1940
-Ernesto Torriente, années 1940
-Tano Bleque, années 1940
-Gumersindo Hernández “Bonkito” “Agofokas”, années 1940
-Ricardo Suárez “Fantomas”, années 1940
-Esteban "Chachá" Vega, années 1940
-Amado Diaz Alfonso, années 1940
-Francisco Aguabella “Olufón Deyí”, années 1950
-"Cuchó", années 1950
-Milián Galí, années 1950
(a émigré à La Havane puis à Santiago)
-Julio Marcos Suárez “Fantomas”, années 1960
-Felipe García Villamil, années 1960

Tamboreros de provenance inconnue:
-Manuel Guantica, années 1890
-“Pipo” Piña "Ogbeyonu, années 1960 (vit à Miami)
-Onelio Scull, (vit aux USA)
-Alfredo “Koyudde” Vidaux “Ògún Yémi”, (vit aux USA)
-Juan “Negro” Raymat, années 1970
(émigre aux États-Unis en 1980)
-Gerald “Yao” Gerrard, (vit aux USA)

"Le premier jeu de batá consacrés n'est arrivé aux USA qu'en 1976, à Miami. C'est Pipo Piña Ogbeyonu (Babalawó et Olubatá) qui les "baptisa" du nom de Okilakpá. Le premier bembé religieux avait eu lieu en 1961, à New York" (Mason - Orin Oricha).

On peut voir une galerie de photos de bataleros assez complète (dont certains "anciens" cités plus haut), sur batadrums.com

jeudi 7 décembre 2006

Histoire des Batá 5/7: Andrés Chacón & Ivor Miller

Crédits photo: Museo de La Habana


Il existe un remarquable article en anglais sur Andrés Chacón, écrit par Ivor Miller, sur le non-moins remarquable site “afrocubaweb”, www.afrocubaweb.com/andreschacon.htm.
Nous allons ici tenter d’en traduire les passages essentiels.

Ainsi, on apprend de la bouche-même d’Andrés Chacón, que:
“Mes voisins El Lukumí (Victoriano Torres) et Hurtasio Jíke étaient nés de parents africains au XIXe siècle. Après ma naissance, Hurtasio épousa ma mère. Ils jouaient tous les deux avec Andrés (Roche) “Sublime”, et plus tard avec son fils (Pablo). D’après Hurtasio et El Lukumí, eux-mêmes se considéraient parmi les derniers fils d’Africains.
En 1944, à l’âge de 11 ans, j’ai commencé à jouer avec le défunt Fermín Basinde (décédé en 1961), jusqu’à ce que j’aie 15 ans, et que commence à jouer avec Pablo Roche.
Pablo était une personne bonne et respectueuse, tout comme un excellent percussionniste et un bon professeur. Il était ambidextre; je l’ai vu tourner le tambour dans l’autre sens et jouer de la même façon.
Il vivait à Guanabacoa. Quand j’ai rencontré Pablo, il y avait parmi ceux qui jouaient avec lui:
Miguel Somodevilla, Raúl “Nasakó” (Diaz), Pedro “Aspirina”, Giraldo Rodríguez Bolaños, Virgilio Ramírez, Armandito Sotolongo, “Yayo”, Francisco Zaez Batista, "Meraldo", "Felungo", et Jesús Pérez.
Quand je suis arrivé, beaucoup d'entre eux avaient déjà 70 ans. (…)
Dans les années 1950, j’ai joué dans le Cabildo de “Pepa” à Regla, avec le “tambour” de Miguel Somodevilla. (…)
Les “tambours” de Miguel et de Pablo jouaient dans deux Cabildos différents. (…) À partir de l’année 1952-53, Pablo n’a plus jamais joué dans les Cabildos, et Jesús (Pérez), lui , a commencé à jouer.
Pablo Roche Cañal est mort à Guanabacoa le 18 Avril 1957. J’ai joué pour sa cérémonie funéraire”.

Crédits photo: Grove Dictionnary of Musical Instruments


Ivor Miller ajoute:
Après avoir appris pendant des années à Guanabacoa avec Pablo Roche et d’autres, Andrés a reçu la charge d’un jeu de tambours de fundamento. Il était le seul à avoir la charge d'un jeu de tambours arará à La Havane. Il est décédé le 23 octobre 2001 à l'âge de 68 ans.
Ivor Miller a publié un autre excellent article sur Jesús Pérez, également sur afrocubaweb directement téléchargeable sur afrocubaweb au format pdf (14MB) (page principale, colonne de gauche, descendre jusqu’à; “Jesús Pérez and the transculturation of the Cuban batá drum.”, Dialogo. n°7. Center for Latino Research. De Paul University. Spring, 2003, by Ivor Miller”.

mercredi 6 décembre 2006

Histoire des Batá 6/7: Afro - Tambores Batá

Thomas Altmann


Une excellente occasion se présente à nous aujourd’hui, de parler du remarquable site de l’allemand Thomas Altmann, spécialiste des tambours batá www.ochemusic.de. Ce site est en langue allemande, et (partiellement) en anglais.

Thomas Altmann est également l’auteur du recueil de 275 chants yoruba “Cantos Lucumí a los Orichas”, édité - apparemment - à compte d’auteur (Oché 001). On peut trouver également ce livre sur le site de Descarga.com.
L’article signé par Altmann sur son site a été réalisé avec l’aide d’autres personnalités, telles: John Amira, Frank Van Herteryck, David Peñalosa, et John Santos.
Il traite du légendaire disque de Giraldo Rodríguez Bolaños
“Afro - Tambores Batá”, dont nous proposons une version téléchargeable à la fin de cet article.

"Guabino" (?), Jesús Pérez, Giraldo Rodríguez
(Crédits photo: John Amira)


Dans “The Music of Santeria” (White Cliffs Media 1991), John Amira parle de ce disque comme celui qui: “a eu le plus d’influence sur les musiciens (new-yorkais). (…). L’ensemble jouant sur ce disque était dirigé par Giraldo Rodríguez. Jesús Pérez, un élève et membre de l’ensemble de Pablo Roche, faisait également partie de ce groupe, et jouait probablement iyá sur quelques plages du disque, sinon sur toutes”.
La qualité sonore de ce disque - par rapport aux autres enregistrements de l’époque - est remarquable.
Il a bien malheureusement disparu de la vente il y a des années. Thomas Altmann a réussi à en (re-)trouver un exemplaire sur le site d’une boutique spécialisée à Londres: Haggle Vinyl (http://www.hagglevinyl.com/), proposant plus de 650 albums de musique cubaine! Ce célèbre document complètement disparu (car jamais réédité), nous ramène tout droit, dans l’histoire des tambours batá, aux années 1950.

Trinidad Torregrosa, Pablo Roche, Raúl Diaz, "Pablo" et Giraldo Rodríguez, 1954 (Crédits photo: Fernando Ortiz, photo tirée de "Orin Oricha" de John Mason)


Une polémique intéressante et acharnée sur cette photo est ouverte sur: congaplace.com.

Giraldo Rodríguez est un des célèbres joueurs de batá de la période qu’on pourrait appeler “l’après Pablo Roche”. Outre Pablo Roche lui-même, il a joué avec Trinidad Torregrosa, Raúl Diaz, et Jesús Pérez, entre autres.
Giraldo Rodríguez également est crédité comme le joueur de quinto sur “El Vive Bien” de Alberto Zayas, le fameux “premier album cubain de rumba” - bien que Mario “Aspirina” Jauregui soutienne que c’est lui qui y jouait le quinto.
Dans le livre de María del Carmén Mestas, “Pasión de Rumbero” (Editorial Pablo de la Torriente, Espagne), figure un article qui dit:
Rodríguez, Giraldo, Obanilú: Il jouait itótele. Avec les célèbres tamboreros Trinidad Torregrosa et Raúl Diaz il a participé à diverses démonstrations de batá dirigés par Fernando Ortiz. Giraldo était également spécialiste des musiques folkloriques, et spécialement de la Rumba. Il a enseigné les batá, et dirigé de nombreuses Comparsas”.
Giraldo Rodríguez a également un frère célèbre: le chanteur
Adriano Rodríguez Bolaños, membre de Lulú Yonkorí, le groupe d’Alberto Zayas. Adriano Rodríguez n’est pas un chanteur de folklore, mais plutôt un spécialiste de la Canción Cubana, voire du Son. Lui aussi a participé aux conférences d’Ortiz.. Il chante le morceau n°4 sur le disque (Drume Negrita).

Crédits originaux du disque:
(avec quelques corrections dans les noms des Orichas):
Afro. Ritmos Afrocubanos,
con los auténticos Tambores Batá de Giraldo Rodríguez

(Orfeon LP-LAB-08)

(Crédits photo: Thomas Altmann)


Lado A:
1 Eleggua (Entrada) - Toque Cantado - 3231 - 2'15
2 Oggun - Toque Cantado - 3232 - 2'30
3 Ochosi - Toque Cantado - 3233 - 2'27
4 Drume Negrita - Solista Adriano Rodríguez - 3234 - 2'00
5 Obbatala - Toque Cantado - 3235 - 2'23
6 Yemaya - 3236 - 2'53
Lado B:
1 Chango - Toque Cantado - 3237 - 2'25
2 Olla - Toque Cantado - 3239 - 2'20
3 Babalu Aye - Toque Cantado - 3240 - 2'38
4 Obba - Toque Cantado - 3241 - 2'16
5 Ochum - Rumba Illesa (Toque Cantado) - 3238 - 2'30
6 Eleggua (Salida) - Toque Cantado - 3242 - 2'40

(Crédits photo: Thomas Altmann)


Thomas Altmann a mené une enquête très sérieuse sur cet enregistrement, dont on ne connaît à priori ni la date ni les protagonistes. Il s'agirait en fait de Jesús Pérez (iyá), de Giraldo Rodríguez (itótele) et d'un okonkolero connu seulement sous le nom de "Guabino".
Thomas Altmann ajoute encore que selon John Amira, Jesús Pérez y chanterait également (en jouant) les pièces pour Yemayá, Ochún, Changó et Eleguá (final). Les dates de l'enregistrement obtenues finalement par Altmann, selon deux sources différentes, sont 1954 et 1957, alors que la compagnie Orfeon n’aurait été fondée… qu’en 1958!
La seule chance d’avoir des informations fiables sur ce disque serait d’aller voir Adriano Rodríguez qui vit encore à Alamar, La Havane.
Thomas Altmann, Frank Van Herteryck (un collectionneur) et John Amira citent encore des rééditions mexicaines et colombiennes du disque, en 1958, elles-aussi épuisées.

Ce disque a été fondamental dans l'apprentissage des batá aux USA dans les années 1960, car c'était le seul document sonore de qualité dont les Américains disposaient alors.
Comme on l’apprend à la lecture de l’ouvrage de John Amira, le premier (et le seul à l’époque) capable d’enseigner les batá à New York était Julito Collazo, qui ne voulait enseigner à personne (de non-cubain?). David Peñalosa, joueur de batá new yorkais, cité par Altmann, nous apprend que:`

“Mon premier professeur était Marcus Gordon, qui jouait avec John Amira, Gene Golden et John “Windcloud” Montalvo dans les années 1960 à New York. Marcus et les autres utilisaient les transcriptions figurant dans les livres d’Ortiz (“Los Bailes y el Teatro de los Negros en el Folklore de Cuba” et “La Africanía en el Folklore de Cuba) et le disque de Giraldo Rodríguez qu’ils avaient entièrement transcrit. Ces gens-là étaient très forts en transcriptions, et ils étaient capables de jouer l’album entier des Muñequitos de Matanzas “Grupo Matancero” par cœur, parce qu’ils avaient tout transcrit! Ils se sont ensuite attaqués à l’album de Giraldo Rodríguez. Il n’y avait pas de professeur à cette époque. (…) Moi-même, dans les années 1980, j'ai étudié comme eux ce même album”.

LES DIFFÉRENTES ÉDITIONS DU DISQUE:

Les différents messages que nous avons reçu d'Alain Parisot (voir les commentaires liés à cet article) et les questions qu'ils soulèvent nous ont forcé à nous replonger dans l'article original de Thomas Altmann et dans la généalogie des diverses versions de disque mythique.

1° L'édition originale:

(Photo: John Amira)

Cette première version serait, selon John Amira, de 1958, et l'enregistrement aurait été réalisé au Mexique. L'anthologie discographique de Cristóbal Díaz Ayala mentionne ce disque, sans en préciser la date. La référence: LP Orfeón 08. Si la maison Orfeón a bien été fondée en 1958, et que ce disque est bien le huitième du catalogue, il est possible qu'il date lui aussi de 1958. Cristóbal Díaz Ayala précise encore qu'il existerait une ré-édition Velvet: "Al parecer, reedición de un LP Velvet: 'Afro-ritmos afrocubanos con los auténticos tambores batá de Giraldo Rodríguez”, ou bien alors cette phrase signifie-t'elle que le disque Orféon est une ré-édition d'un disque Velvet. Don Cristóbal ne précise la date ni de l'un, ni de l'autre.
La présence d'un ostensoir catholique sur la pochette est pour le moins étrange, cet objet de culte ayant plus à voir avec un syncrétisme entre cultes abakuá et catoliques qu'entre cultes yoruba et catholiques.

2° La ré-édition mexicaine:

(Photos John Amira, retouchées par Patricio)


Cette ré-édition mexicaine aurait une pochette à plusieurs volets, et une mention "serie laboratorio". Elle daterait de 1964.

3° La ré-édition de Miami:

(Photos: John Amira)


Cette ré-édition américaine serait, selon Amira, sortie 'un ou deux ans après' la précédente (1965 ou 1966). On supposera qu'elle avait la même pochette. Altmann précise que "Mratin Blais, dans sa 'Santeria Music Data Base', donne la date précise du 17 janvier 1968. C'est cette ré-dition qui semble avoir été mentionnée par Don Cristóbal, puisque l'étiquette au centre du disque porte la mention: "Manufactured by Velvet Records, Hialeah, Florida".

4° La ré-édition colombienne:

(Photos Frank Van Herteryck, retouchées par patricio)

C'est la version dont nous avions déjà publié la pochette au début de l'article. Date de parution: inconnue.

4° La ré-édition américaine de 1970:

(Photos: Thomas Altmann)

Cette dernière version de notre célèbre disque est la version que possèdent Thomas Altmann et Alain Parisot, notre correspondant ayant motivé la nouvelle partie complémentaire de cet article. C'est Thomas Altmann qui précise la date de 1970 pour cette dernière édition.

À la re-lecture de l'article d'Altmann, de nouveaux éléments quand à l'identité du troisième musicien nous apparaissent, sans doute ajoutés récemment:
De plus, des communications entre Tomás Jimeno Díaz (musicien et musicologue vivant aujourd'hui en Finlande) et Altmann permettent de constater que Jímeno Díaz affirme que le disque original serait bien sorti en 1954. Il tient cette dernière information d'Adriano Rodríguez lui-même, le chanteur de "Drume Negrita" sur notre fameux disque.
À propos de l'identification de l'énigmatique "Guabino" (ou "Gabino" selon les sources), Altmann nous dit encore que Papo Angarica mentionne un tel joueur d'okónkolo et d'itótele, qui jouait avec Jesús Pérez et Giraldo Rodríguez, et qui serait mort à Mexico, où il aurait émigré, de toute évidence après 1959. En effet, Altmann a également remarqué dans le triple cd "Tambor Lukumí" d'Andrés Chacón réalisé par Ivor Miller cette photo:

(Photo extraite du livret du cd "Tambor Lucumy" d'Andrés Chacón)

Les crédits de la première photo, datée de 1959, nous disent: "de gauche à droite, Francisco Saez Batista, Andrés Chacón et Gabino Fellobe, photographiés par José Franco, Folklore Criollo y Afrocubano, 1959". Si Gabino Fellove est bien (pour une fois) ici le segundero, il est difficile de l'identifier tant on ne voit pas son visage: une part du mystère persiste…

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L’équipe de tambourinaires qui joue sur Afro - Tambores Batá a gravé deux autres disques à l’époque, toujours pour Orfeon:

Bola de Nieve, "Guabino" (?), Jesús Pérez et
Giraldo Rodríguez (Crédits photo: John Amira)


-"Ecos Afrocubanos", con: “Bola de Nieves, su Piano y su Voz”, y “Chico O'Farrill y su Orquesta con Girardo Rodríguez y sus Tambores Batá” (Orfeon LP 12-138); et
-"Brisas del Caribe" con “Chico O'Farrill y su Orquesta con Girardo Rodríguez y sus Tambores Batá” (Orfeon LPE-3039).
Sur le disque où figure Bola de Nieve les notes citent les musiciens et disent:

“Los Batá o Añá ... son los auténticos que se utilizan en los ritos sagrados de la religión lucumí o yoruba en Cuba. Girardo, Jesús y Gabino son miembros de esta religión."

Pochette du disque "Santería Cubana":
Guabino (?), Jesús Pérez et Giraldo Rodríguez
(Crédits photo: John Amira)


Une des pochettes existantes du disque “Santeria Cubana” montre également des photos de cette même équipe de tambourinaires, avec Jesús Pérez jouant iyá, Giraldo Rodríguez jouant itótele et (un supposé) Gabino jouant okónkolo. Le seul problème, c’est qu’il n’y a pas de batá sur ce disque, mais que les chants sont accompagnés… par des marímbulas.

À propos des toques du disque de Giraldo Rodríguez, Altmann nous dit encore "qu’Amira pense aujourd’hui que le style du joueur d’iyá dans l’enregistrement ne correspond pas tout à fait au jeu de Jesús Pérez", ce qui impliquerait que Giraldo Rodríguez - pourtant connu comme “segundero” - joue iyá et Jesús Pérez itótele.
Altmann note encore, avec Amira, que dans plusieurs plages c'est, de manière inhabituelle itótele qui “lance” certains cycles de conversations, auxquels iyá “répond” - si l’ont peut s’exprimer ainsi. Disons en somme que c'est itótele qui entame, en jouant, sa réponse avant même que soit lancé l’appel d’iyá. Le cas du toque à Changó (chachaolókafun) est évoqué, j’y ajouterai le cas du toque pour Obatalá (2) où c’est également itótele qui donne le cycle du toque, et qui entame la “conversation avec les presionados” (ou “tapaos” - comme on les appelle à tort).
Altmann signale enfin - à juste titre - des bizarreries de l'enregistrement ou des non-sens dans les “crédits” originaux du disque, puisque:
-Ochosi, Obatalá et Oyá ne sont pas joués en entier
-Les paroles des chants ne semblent pas toujours correctes
-Drume Negrita est une chanson populaire profane accompagnée généralement par le rythme “Afro” - mais pas par des batá.
-Le chant “Kini-kini yo Eleguá n’est pas joué dans les cierres, et donc ne saurait constituer une “salida”.

À l’audition du disque, j’ajouterai encore que:
-Le son est très différent sur Ochosi et sur Ochún, l’enú d'iyá est soudain sous-mixé(e), et le chachá d’itótele surmixé. Puisqu’on ne suppose pas que les micros soient déplacés (l’enregistrement est mono), cela voudrait-il dire que les joueurs de tambours ont changé de place? Le fait que le chachá de l’itótele soit soudain plus fort signifie-t-il l’apparition d’un segundero gaucher?
-Les notes originales du disque qualifient de "toques cantados" des plages sans chant (sic).
J’ajouterai également que l’idée d’accompagner “Drume Negrita” avec le toque dit “Baba Fururú” a été reprise par “Pancho Quinto” avec Jane Bunnett dans le magnifique album de Latin Jazz “Ritmo mas Soul”. Cette fois, le morceau est précédé d’une “Meta” de Changó “seca”.

Je créditerai moi-même les morceaux du disque “Afro - Tambores Batá” ainsi (plutôt que les "crédits" originaux):
Eleguá, toque Latopa
Ogún, toque a Ogún ou “Mariwoyé”
Ochosi, toque Aguere (seco - écourté)
Drume Negrita (toque a Agayú et toque “Baba Fururú” ou “Rumba Obatalá”, ou “4e vire de Osáin”)
Obatalá, toques a Obatalá 1 et 2 (seco - 2e toque écourté)
Yemayá, toque Alaró (canta Jesús Pérez ?)
Changó, toque Chachaolókafun (canta Jesús ?)
Oyá, toque Oyá m’Bí’kú (seco)
Babalú Ayé, toque “Bariba ogue dema” et toque “Arará alante”
10° Obba, toque a Obba (seco)
11° Ochún, toque “Iyesá” (canta Jesús Pérez ?)
12° Eleguá, toque a Olókun ou Echú (canta Jesús Pérez ?).

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