lundi 11 décembre 2006

Histoire des Tambours Batá de l'ile de Cuba: - 2/7 - La Havane: De Atandá à Akilakuá

Procession à la Virgen de Regla
Crédits photo: Miguel "Willie" Ramos, ilarioba.tripod.com


Mason commence ainsi son chapître sur l'histoire des tambours:
Ortiz rapporte que les batá furent joués à Cuba pour la première fois dans un Cabildo lukumí de La Havane nommé Alakisa (“Ceux qui sont en haillons”) qui se situait rue Egido (Habana Vieja, ndt).
Dans le premier tiers du XIXe siècle, un esclave connu sous le nom de Ño Juan el Cojo, Añabí (“Añá est né”), arriva à Cuba. Il était dit que dans son pays cet homme était Babalawó, Olosáin (c’est-à-dire herboriste), et Onilú (tambourinaire assermenté). Il doit être cependant remarqué que, normalement, les Onilú ne peuvent devenir prêtres que dans le culte d’Añá.
Peu après son arrivée à Cuba, une charrette chargée de canne à sucre lui fractura la jambe alors qu’il se rendait au travail, à l'ingenio. Il fut transporté dans un barracón qui servait hôpital aux esclaves, dans le quartier de Regla. Il entendit alors, avec émotion, le son d’un tambour rituel qu’il n’avait pas encore entendu depuis qu’il était sur l’île.
Quelques temps après, il rencontra un autre lukumí, un vieil esclave nommé
Ño Filomeno García, "Atandá". Juan El Cojo avait connu Filomeno García en Afrique, car lui aussi était Olubatá ("chef-des tambours-batá"). Tous deux décidèrent d’aller au Cabildo Alakisa, et constatèrent que les tambours batá qui s’y trouvaient n’étaient pas conformes, et qu’il n’y avait sur l’île aucun jeu de tambours consacrés. Vers 1830, ils s’associèrent.
Filomeno García "Atandá" était également agbégi (sculpteur) en Afrique, et dans l’île de Cuba, où il était déjà reconnu en tant que tel.
Atandá était de pays Egbado et travaillait comme “pilote de bateaux”.
Il est également connu pour avoir taillé le masque d’Olókun (peut-être d'origine Geledé) utilisé au XIXe siècle à Regla, lors de cérémonies pour cet Oricha.
Atandá savait également comment sculpter les tambours, et les deux amis commencèrent à construire ensemble un jeu de batá rituels selon les rituels de la tradition ancestrale. Il le consacrèrent et lui donnèrent le nom de Juan El Cojo, Añabí. Ce premier jeu, qui a plus de 170 ans, passa plus tard en héritage à un grand tambourinaire nommé Andrés Roche, connu pour ses qualités de musicien sous le nom de Andrés “Sublime”.

Pablo Roche Cañal (1954)
Crédits photo: Fernando Ortiz,
tirée de Orin Oricha de J.Mason


"Après sa mort, son fils Pablo Roche, omo Obatalá, nommé Akilakpá (“homme courageux au bras puissant”), (d’autres sources disent “mano prodigiosa”, ndt), en hérita à son tour.
Bien qu’il soit mort aujourd’hui, cet homme est toujours révéré comme le plus grand olubatá que Cuba ait connu".
(ndt: La légende de Pablo Roche racontée par les tamboreros et les akpwones raconte qu'un jour il a dû remplacer son père malade, et qu'il s'est mis a jouer toute la cérémonie, sans jamais avoir pratiqué le tambour auparavant).

Atandá, en plus d’être olubatá, était également Babalawó. Son nom en Ifá était ’Falubí. Atandá eut un fils qui était à la fois tambourinaire et Babalawó: Quintin García "Ifábolá".
Atandá et Añabí furent également les fondateurs d'un Cabildo lukumí a Regla nommé Cabildo Yemayá (associée à la Virgen de Regla, ndt). Ils collaborèrent pour cela avec le grand Babalawó lukumí Addéchina (Remigio Herrera), qui est l'homme qui a introduit à Cuba le culte d'Ifá".

Remigio Herrera "Addéchina"
(Crédits photo: ilarioba.tripod.com)


ndt: Remigio était également joueur de tambour. Prêtre d'Ifá à Oyó, il arrive (via la traite clandestine) comme esclave à Cuba. à la fin des années 1820. Il travaille dans un ingenio, mais rapidement (en 1827) des esclaves se cotisent pour racheter sa liberté.
Il crée le premier Cabildo Lucumí de Matanzas, le Cabildo Santa Bárbara, situé 175 Calle Dahoiz, au coin de la calle Manzaneda.
En 1865 il déménage à Regla et fonde le Cabildo Yemayá.
En 1866 le Cabildo reçoit son jeu de tambours fabriqués par Atandá et Añabí. Ce second jeu, appelé “Atandá”, du nom de Filomeno García, fut à une certaine époque confisqué par les autorités puis retrouvé et remis entre les mains d’Akilakpá (Pablo Roche). Akilakpá a donc eu en sa possession les deux premiers jeux de tambours Cuba.
En 1872 Remigio habite 23 rue San Ciprián à Regla".

Josefa Herrera "Pepa"
Crédits photo: Miguel "Willie" Ramos, ilarioba.tripod.com


Remigio "Addéchina" était également le père de l’octogénaire et populaire Iyalocha "Pepa" (Josefa Herrera, “Echú Bí”). À la tête du Cabildo Yemayá, Pepa, une des premières Oloricha consacrées à Eleguá, célèbre pour les anciennes processions à Ochún et Yemayá dans la ville de Regla, mourut en juillet 1947.
Pablo Roche et Jesús Pérez sont considérés comme ayant influencé énormément le jeu à cette époque (1930-1950).
Pablo Roche a continué à perpétuer la tradition de la facture de tambours, commencée par Atandá, en compagnie de Gregorio “Trinidad” Torregrosa".

Trinidad Torregrosa (?) devant son "canastillero"
(et un jeu de batá en construction?)
(Crédits photo: inconnus)


"Ortiz rapporte également qu’il existait un jeu “très joué” construit par Martin Oyádiná, décrit comme “un créole à la peau foncée”, pour le premier Cabildo de Regla, le Cabildo Changó (Cabildo Santa Bárbara ou Changó Tedún). Ce jeu était surnommé, à cause de la qualité de sa sonorité et de sa facture, “La Niña Bonita”. Ce jeu fut confisqué et se trouve maintenant au Museo Nacional de La Havane".

Pablo Roche Cañal "Akílakpá"
(Crédits photo: inconnus)


En cherchant à nouveau dans l’article de Fernando Ortiz mentionné par Mason, il apparaît de plus que:
"Dans les années 1940, Pablo Roche fit “un autre jeu de tambour en acajou, pour l’excellent olubatá José Calasanz Frías, surnommé "Moñito”. (…)
"En 1950, on estime qu’il y avait à Cuba environ vingt olúbàtá accrédités et environ quinze jeux de tambours consacrés à Àñá" (Mason- id).

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