mardi 5 décembre 2006

Histoire des tambours Batá de l'ile de Cuba: - 7/7 - Ortiz et ses relations avec les Olubatas havanais

Raúl Díaz et Giraldo Rodríguez
(Crédits photo: Fernando Ortiz)


Ortiz, son transcripteur, Trinidad Torregrosa, Raúl Díaz,
et Giraldo Rodríguez (Crédits photo: Fernando Ortiz)


Note du rédacteur: Il y a peu encore, nous affichions que ce nouvel article était "en construction". En fait il va sans doute rester inachevé pendant longtemps, car en le rédigeant nous nous sommes lancés dans une étude fastidieuse qui prendra certainement du temps. Veuillez donc en excuser à l'avance le caractère "brouillon".

(Nouveau: sept. 2007)
Nous allons essayer d'améliorer l'article en y apportant des scans des partitions de Gaspar Agüero dont il est question plus bas (Cliquez sur les photos pour les agrandir).

Grâce à Francis Genest, musicien tourangeau, que nous remercions ici, qui nous a prêté des ré-éditions récentes des ouvrages d'Ortiz:
"Los Instrumentos de la Música Afro-cubana",
et, à la enième re-lecture du précieux ouvrage:
"Los Bailes y el Teatro de los Negros en el Folklore de Cuba"
et du non-moins remarquable:
"La Africania de la Música Folklórica de Cuba",
il nous a été récemment possible de mieux comprendre les relations établies entre Fernando Ortiz et certains Olubata havanais.
Dans les ré-éditions de "Los Instrumentos…" figurent des photos qui n'existaient pas dans les anciennes éditions - celle figurant ci-dessus retiendra d'abord notre attention: il s'agit d'une photo des protagonistes qui sont à l'origine des transcriptions figurant dans ces deux derniers ouvrages d'Ortiz déjà cités.
Nous ne possédions au départ qu'une moitié de la photo, trouvée sur le net (déjà postée dans un des six précédents articles sur l'histoire des batá). Or, la photo entière figure dans les ré-éditions de "Los Instrumentos, etc…" (Ainsi que dans "La Africanía de la Música Folklórica de Cuba").
Sur cette nouvelle version "entière" de la photo figurent, de gauche à droite: Ortiz lui-même (derrière le piano), Gaspar Agüero au piano (musicien ayant transcrit tous les toques et les chants), Trinidad Torregrosa, Raúl Diaz, et Giraldo Rodríguez. Il est curieux, sinon comique, de voir que cette photo a été prise avec les trois joueurs de tambour jouant "cigarette au bec". La pause prise par tous les protagonistes n'a ici visiblement rien de solemnel ni d'officiel.
Ce qui nous intéresse ici, c'est de constater que ce sont bien ces trois joueurs de batá qui sont directement les sources du travail d'Ortiz.
Ces trois personnages, dont la compétence ne saurait être remise en cause, sont tous les trois disciples de Pablo Roche, et officiaient avec ce dernier dans les cérémonies.

De Pablo lui-même, si l'on sait qu'il a bien participé aux conférences d'Ortiz (au moins à la célèbre toute première), on peut douter de l'investissement dans la "vulgarisation" des choses rituelles, puisqu'il ne réapparaitra plus jamais sur aucune photo d'Ortiz. Son côté "conservateur" se retrouve chez certains de ses élèves, dont Pedro et Mario Aspirina semblent aujourd'hui les exemples vivants. Il ne semble pas qu'il en ait été de même de certains autres disciples de Pablo, dont Jesús Pérez, Trinidad Torregrosa, Raúl Díaz et Giraldo Rodríguez.

On connaît l'investissement de Jesús Pérez dans Teatro y Danza Contemporanea, puis dans le Conjunto Folklórico Nacional, qui le conduiront à se prêter à de nombreuses expériences extra-religieuses avec les tambours batá. On m'a également raconté une anecdote (dont la véracité reste à prouver, car j'en ai entendu plusieurs versions), assez révélatrice de sa mentalité: Le "tambour" de fundamento de Fermín Basinde (dont certains disent qu'il existait une rivalité entre lui et Pablo Roche, nous l'avons classé dans l'article n°4/7 - peut-être un peu vite - parmis les élèves de Pablo), avait la réputation de "ne pas avoir été consacré selon les règles" (faut-il voir là le début des "transgressions" qui ont consisté à remplacer l'Olosain devant baptiser les tambours par un Babalawo?), sinon, accusation plus grave, ne pas "contenir de fundamento". Jesús Pérez aurait alors décidé de faire jouer une cérémonie, avec les deux jeux (le sien et celui de Fermín Basinde - les six tambours jouant en même temps, comme on le fait dans un "baptême de tambours", ceci afin que "l'union des deux renforce le 'tambour' de Fermín" (et afin de faire taire les gens qui doutaient de l'authenticité de son fundamento). Cette cérémonie, ou "tambor doble" aurait été la toute première cérémonie jouée avec six batá. On organise parfois ces "tambores dobles" pour deux Orichas, avec deux jeux de tambours (ce qui coûte moins cher que d'organiser deux cérémonies). Cette anecdote prouve combien Jesús Pérez, que l'on savait déjà "moderniste" était capable de bouleverser les institutions pour régler des problèmes qu'il considérait comme graves.

À propos du terme "tambor", rappelons qu'il est utilisé à Cuba pour désigner trois choses:
-l'instrument en lui-même.
-le jeu de tambours consacrés ou "tambor de fundamento" et
-la cérémonie dans laquelle on les joue.

Sur Raúl Díaz "Nasakó", né en 1915, il est difficile d'obtenir des informations. Joseíto Fernández précise qu'il est "mulato" (à peau claire) et que ce simple fait peut justifier un contact "plus facile" avec les musicologues cubains "blancs". On sait qu'il s'est investi à de multiples reprises dans les conférences d'Ortiz, comme le prouvent bien d'autres photos, dont celles-ci:

Une des conférences d'Ortiz, "photo de famille" où figurent
de nombreux artistes cubains (Crédits photo: Fernando Ortiz)


Détails de la photo précédente: Giraldo Rodríguez, Raúl Díaz, X (Crédits photo: Fernando Ortiz)


Photo prise le même jour: derrière Merceditas Valdés,
les joueurs de tambours sont les trois mêmes:
X (okónkolo), Raúl Díaz (iyá) et Giraldo Rodríguez (itótele)
(Crédits photo: Fernando Ortiz)


En tout cas, sur toutes les photos où l'on voit Raúl Díaz, il est à chaque fois en position de mayorcero, ce qui prouve, à priori, sa connaissance des tambours supérieure à celle des musiciens avec qui il joue sur le moment.

On peut comprendre pourquoi certains joueurs de tambours ont refusé ces démonstrations d'Ortiz, où, quelque part, l'africanité revendiquée des anciens esclaves est "gommée" par le fait que, par exemple, les mucisiens jouent en costume-cravatte au lieu des tenues traditionnelles. Rappellons que nous sommes à une époque à laquelle se crée un certain "folklore de cabaret" dont certaines oeuvres comme le "Van Van Iroko" créé par Odilio Urfé ont eu un succès retentissant. On peut comprendre, et c'est bien naturel, que certains musiciens aient eu du mal à jouer leurs musiques sacrées pour un public fortuné d'Américains (ou de Cubains américanophiles), qui avaient les premiers à persécuter les religieux et les musiciens de rituels dans les années de répression (1890-1930). Les démonstrations d'Ortiz (dont le premier métier était avocat), même si elles constituent de louables tentatives de réconciliation entre les instances gouvernantes blanches et les milieux rituels noirs, et même si elles ont réussi - partiellement - à aplanir les problèmes de races et de religion, n'ont certainement pas dû être bien vues par les milieux conservateurs afro-cubains, et c'est bien compréhensible…

On connaissait déjà l'investissement de Trinidad Torregrosa dans des projets "profanes" impliquant les batá, et comment il a informé Ortiz sur des sujets ponctuels dont il était spécialiste, telle la construction des tamboursá. Ainsi le prouvent les photos suivantes:

Trinidad Torregrosa en facteur de tambours
(Crédits photo: Fernando Ortiz)


Trinidad Torregrosa chez lui ? (Crédits photo: Inconnus)


Gregorio "Trinidad" Torregrosa, que Katherine Hagedorn prénomme "José"(?), est né en 1897 dans le quartier de El Cerro. Comme le dit cette dernière dans son magnifique ouvrage "Divine Utterances - the Performance of Afro-cuban Santeria"
(Ed. Smtihsonian), Trinidad a été, en plus d'être chanteur, "l'un des percussionnistes et membres-fondateurs du Teatro y Danza Nacional, puis du Conjunto Foklórico Nacional. Il était également un des rares fabriquants de tambours encore en activité à La Havane, et Argeliers León était devenu très proche de lui. Torregrosa n'était pas seulement unique à cause de ses talents de facteur de tambours, mais également parce qu'il s'était imposé une attitude de réflexion permanente sur lui-même, sur son art et sur la religion, comme en témoignent ses carnets, contenant des centaines de notes qu'il a rédigées au cours des vingt dernières années de sa vie. Sur l'une des pages on trouve la carte de visite de William Bascom, sur une autre un article de journal avec la photo d'un chef de tribu de Rhodésie, et sur une troisième un article sur les artistes afro-cubains vivant aux États-Unis. Plus loin encore on trouve un mot d'Argeliers León qui dit: 'pour mon frère Trinidad, pour toute l'affection et la passion suscitée en moi en si peu de temps'. Plus loin encore on trouve le programme d'un concert pour un séminaire d'été où enseignait Argeliers, et que Trinidad accompagnait. Torregrosa a légué ses carnets à Argeliers León avant de disparaître, et ce dernier les a légué à sa femme María Teresa Linares à sa mort."
Merceditas Valdés disait de Trinidad Torregrosa qu'il avait été un de ses professeurs de chant yoruba.

Nous avons déjà publié un article sur Giraldo Rodríguez et Jesús Pérez, directement inspiré par le très bel article de l'allemand Thomas Alltman (voir Histoire des batá 6/7).

Trinidad Torregrosa jouant le chekeré
(Crédits photo: Fernando Ortiz)


À propos des transcriptions contenues dans les ouvrages d'Ortiz:

Quand j'ai acheté à la librairie l'Harmattan un exemplaire de
"Los Bailes y el Teatro en el Folklore du Cuba", je me suis empressé en rentrant chez moi de comparer les transcriptions avec les (rares) enregistrements de tambours batá que je possédais à l'époque. Or, j'ai rapidement été déçu, en constatant que ce que je lisais et ce que j'entendais n'avaient pas grand-chose en commun (apparemment).
La totalités des toques étaient transcrits en 2/4, alors que, au moins pour la moitié d'entre eux, ils étaient de toute évidence ternaires.
J'ai alors pensé que les transcriptions avaient été faites "par un musicologue ne comprenant rien aux tambours" (raisonnement simpliste), et que c'était pour cette raison qu'elles étaient erronnées. Je les ai donc laissées de côté, pendant près de dix ans.
Plus tard, en obtenant une copie de "La Africanía de la Música Folklórica de Cuba", j'ai éprouvé la même incompréhension, aussi bien face aux transcriptions de tambours batá de l'orú seco, que des toques pour Changó, pour Eleguá, et que dans les transcriptions de tambours abakuá, eux-aussi transcrits en binaire (sic).

Or c'est seulement aujourd'hui, connaissant mieux les toques de batá, que je trouve un intérêt nouveau pour ces partitions. Ce que j'ai pris à l'époque pour des erreurs de transcription étaient en fait la plupart du temps des erreurs d'interprétation. Les joueurs de tambours "tirant" la pulsation ternaire en arrière, l'interprétation de leurs phrases peut être ressentie comme binaire. Si c'est manifestement un erreur que de les transcrire en binaire, une fois que l'on connait ces toques, il était possible de comprendre comment leur interprétation a été retranscrite en binaire.
Gaspar Agüero a sans doute commis l'erreur de transcrire d'abord les parties d'iyá, qui comportent une plus grande part d'interprétation, là où il aurait dû se baser sur les parties d'okónkolo, exprimant dans la plupart des cas, de assez manière évidente, la métrique utilisée.

Tambour confisqué en 1957 par les autorités,
figurant dans la collection d'Ortiz



Page 378 de l'édition de 1965 que je possède de "La Africanía…" Ortiz dit lui-même:
"Insertaremos a continuación la serie de los 24 toques rituales del Orú de batá en el secreto del Igbodu o sagrario de los orichas, tal como han sido transcritos a pentagrama, con paciente y minuciosa tarea, por los maestros Gaspar Agüero y Raúl Díaz", soit:
"Nous allons faire figurer ici, dans l'ordre, la série des 24 toques de l'Orú de batá joués dans le secret de l'Igbodu, ou sanctuaire des orichas, tels qu'ils ont été transcrits sur partitions, par un travail patient et minutieux, par les maîtres Gaspar Agüero et Raúl Díaz".
Beaucoup de joueurs de batá des années 1960 aux USA ont dit avoir utilisé ces trancriptions d'Ortiz à une époque où il n'avaient rien d'autre comme source, comme le dit si bien John Amira dans "The Music of Santeria". Cependant, nous pensons que toutes ces transcriptions ne peuvent être que relativement inutiles à des débutants, mais plus utiles à des joueurs de tambour batá "de niveau (au moins) intermédiaire", encore faut-ils qu'ils acceptent de remettre un tant soit peu en question ce qu'ils ont appris.




Les transcriptions de l'oro seco contenues dans "La Africanía…" commencent par la moyuba ou moyubación, dont l'usage s'est perdu, au profit d'une partie faite "d'onomatopées", de laquelle ressortira l'appel du premier toque (Latopa) de l'oro seco. Jouer la moyubación consistait à aligner les uns à la suite des autres toutes les llamadas (appels initiaux) de tous les toques, soit dans l'ordre que cite Ortiz:
Eleguá (deux toques, Latopa puis "Echú" - ou "toque a Olókun" - exactement comme à Matanzas), Ogún (Mariboye), Ochosi (Aguere), Obaloke, Inle (Tani chó bí), Babalú Ayé (deux toques, Iya nko'tá et Bariba ogue dema), Osáin (Kurú-kurú be'te), Osun (Kán-kán de Osun), Obatalá (un seul toque, le second possible), Dadá (Wo le nche), Oggué (difficilement identifiable ici), Agayú, Orula, Ibeyi (Kere-kere Yan), Oricha Oko (Kán-kán de Oricha Oko, difficilement reconnaissable ici), Changó (Didilaro), Yegguá, Oyá (Bayuba ka nte), Ochún (Chenche Kurúrú), Yemayá (Alaró), Obba (Kán-kán de Obba et autres vueltas),
et Oduduá. Suivent les transcriptions des toques de l'orú seco, dans le même ordre.

Trinidad Torregrosa, Raúl Diaz, Giraldo Rodríguez
(Crédits photo: Fernando Ortiz)


ORÚ SECO selon Fernando Ortiz:
(d'après les informations contenues dans "La Africanía de la Música Folklórica de Cuba")
-Oricha (et toque)

-Eleguá (toque Latopa)
-Eleguá (toque "Echú" ou toque a "Olókun")
-Ogún (toque Mariboyé)
-Ochosi (toque Aguere)
-Obaloke (toque a Obaloke)
-Inle (toque Tani-tani chó bí)
-Babalú Ayé (toque Iya nko'tá)
-Babalú Ayé (toque Bariba ogue dema)
-Osáin (toque Kurú-kurú be'te)
-Osun (toque Kán-kán de Osun)
-Obatalá (second toque possible dans l'oro seco)
-Dadá (toque Wo le nche)
-Oggué (toque a Oggué)
-Agayú (toque a Agayú)
-Orula (toque a Orula)
-Oricha Oko (toque Kán-kán de Oricha Oko)
-Changó (toque Didilaro)
-Yegguá (toque a Yegguá)
-Oyá (toque Bayuba ka nte)
-Ochún (toque Chenche Kururú)
-Obba (toque Kán-kán de Obba et autres vueltas)
-Oduduá (toque a Oduduá)

L'odre de l'Orú présenté ici n'est pas différent de ce que nous considérons comme l'ordre "classique" havanais, si ce n'est la présence d'un second toque a Eleguá, qu'on utilise en général dans les cierres, pour accompagner des chants à Eleguá et à Olókun. De là viennent à priori les deux noms les plus utilisés pour nommer ce toque: "toque a Echú" ou "toque a Olókun". Certains le nomment "Eleguá ni'tá", du nom du premier chant de la série que l'on chante dans le cierre, et qui nécessite l'emploi de ce toque. Le "cierre Añá" comprend une partie "seco" et une partie chantée. La partie chantée commence avec une série de chants pour Eleguá qui s'accompagne avec le toque Latopa. C'est après cette première série de chants qu'intervient le toque Echú. Il servira à accompagner une série de chants pour Eleguá, puis une série de chants pour Olókun. Enfin, on jouera un toque final très court pour Añá, sans chant.
À Matanzas, si le nombre d'Orichas honoré dans l'orú seco est différent (14 toques pour 13 Orichas), on y joue systématiquement ce second toque. Mais dans une conception havanaise de l'orú seco, c'est bien la première fois que nous voyons mentionné ce toque. Doit-on en déduire que l'usage de ce toque s'est perdu à La Havane et maintenu à Matanzas? L'autre solution serait que Raúl Díaz fût matancero et qu'il ait imposé ici ce second toque, ce qui est improbable.

Jeu de tambours confisqués dans les années 1930,
collection Fernando Ortiz


Il existe de (trop) nombreuses irrégularités ou bizarreries dans les transcriptions de Gaspar Agüero. Il sera fastidieux d'en dénombrer toutes les erreurs. Nous serons forcés d'utiliser des jugements de valeur, et dans l'exaspération, sans doute qualifierions-nous trop vite de "fausse" une partie correctement transcrite mais qui se jouait d'une autre manière à la fin des années 1950 - mais comment savoir?
En guise de point de comparaison, nous avons (ré-)écouté attentivement l'oro seco enregistré à La Havane par Lydia Cabrera en 1957, joué par Miguel Santa Cruz, Gustavo Díaz et Juan González.
Cet enregistrement historique, qui correspond exactement à la période à laquelle les transcriptions d'Ortiz ont été réalisées, fait partie d'un ensemble original de 14 disques vinyls où figurent très peu de musique urbaine havanaise, et énormément de musique rurale matancera. L'orú enregistré ici est particulièrement difficile à écouter, tellement Iyá est grave (et parfois inaudible). Il faut absolument - au moins - "corriger" le son de l'enregistrement en "gonflant" les graves pour espérer obtenir un son audible. Il est d'ailleurs étrange que les joueurs de tambour n'aient pas fait de remarques à propos de l'accord des tambours au moment d'enregistrer. Gustavo Díaz était un tamborero assez connu à La Havane, et en tant que tel aurait dû manifester son mécontentement à propos de l'accord des tambours (en pensant au moins à sa réputation?). Joue-t-il iyá dans l'enregistrement? Ni dans les livrets des cds, ni dans le livret original du coffret de 14 vinyls nous n'obtenons de précisions à ce sujet. En comparant ces enregistrements anciens et les transcriptions d'Ortiz, nous y avons trouvé quelques points communs, que nous mentionnerons plus loin.
Afin d'affiner notre étude, nous avons dû "pitcher" et ré-équaliser ces enregistrements, de façon à les rendre plus audibles. La méthode semble être payante, car en soumettant le premier morceau de l'oro seco du cd (Latopa), nous commençons enfin à distinguer correctement les parties.


En guise de second point de comparaison nous avons écouté l'album de Giraldo Rodríguez (avec Jesús Pérez) "Afro - Tambores Batá" enregistré en 1957 ou 1958, d'une qualité sonore bien supérieure au premier, car réalisé, lui, en studio.
(Voir l'article complet sur ce disque: Hstoire des tambours Batá 6/7).


En guise de troisième point de comparaison, nous avons écouté l'album "Santero", enregistré en 1947 et 1948 (c'est une compilation de différents 78 tours), avec Jesús Pérez et Trinidad Torregrosa.


Parmis les erreurs ou incohérences les plus courantes contenues dans les transcriptions, citons:
-Il manque les llamadas initiales la plupart du temps. Peut-être, comme il n'est pas précisé, Ortiz considère-t-il que comme elles sont déjà citées dans la moyuba p.379 et 380, on doit s'y référer pour la llamada initiale de chaque toque, mais c'est-là une option illogique. Parions plus sûrement sur une économie de mise en page, l'écriture de la llamada et de la façon dont "entre" chaque tambour devant prendre au moins une ligne à elles-seules.
-Tous les toques sont écrits en 2/4, ce qui n'est absolument pas logique, au moins pour la moitié d'entre eux (Latopa, Wo le nche, Bariba Ogue Dema, Oggué, Agayú Chola, etc…).
-Parfois c'est Okónkolo qui commence (cela peut se justifier dans le cas d'Ogún, mais c'est le seul cas dans l'oro seco à notre connaissance), parfois c'est ltótele (c'est le cas dans l'oro de Cabrera pour Obaloke, Iya nko'tá, Oyá et Obatalá).
-Nulle part dans les transcriptions il n'est fait mention du concept de "conversation".
Il est possible que l'éditeur ait aussi sa part de torts: certains toques ont leur cycle ou leur fin tronquée, et quand c'est le cas en général il n'y a pas de double barre à la fin de la partition…




LATOPA (Eleguá toque 1)
Points négatifs de la trancription (ils sont nombreux):
-La llamada de Latopa est absente. Si l'on se réfère à la moyuba, on constate qu'elle y est mal écrite relativement incompréhensible. C'est le second enú de la première mesure qui doit tomber sur la pulsation, et non le premier.
-Le toque en lui-même est assez clairement écrit et facilement compréhensible - si ce n'est l'écriture en 2/4.
-La première vuelta du toque est écrite à l'envers par rapport au cycle de la clave. Elle est identique des deux côtés de la clave, ce qui paraît très étrange.
-Dans la seconde vuelta, qui cette fois-ci est écrite à l'endroit, la partie d'iyá n'est pas différente de celle de la première vuelta, ce qui n'est pas logique cer itótele n'est pas "prévenu" du changement. Il manque un dièse sur le premier enú de la partie d'itótele.
-L'utilisation d'une "mesure intermédiaire" entre la 2e et la 3e vuelta est absurde et prête à équivoque. Il s'agit d'une mesure d'anacrouse, mais comme il n'est rien précisé, on s'expose à deux dangers: inverser le sens de la clave qui est ici de deux mesures, et penser que les tambours s'arrêtent entre chaque vuelta.
-L'utilisation d'une "mesure intermédiaire" entre la 3e et la 4e vuelta est également absurde.
-La partie d'okónkolo de la 4e vuelta est très mal transcrite: sur le premier temps les sons sont inversés, et dans toute la seconde mesure, ils sont également également inversés.
-Sur le deuxième temps de cette seconde mesure ou joue généralement les deux peaux - même si on jouait l'inverse de ce qui est écrit (au niveau des sons), on peut difficilement concevoir l'abandon d'un temps marqué au shashá.
-À nouveau Agüero fait usage d'une "mesure-tampon" absurde entre la 4e et la 5e vuelta.
-Il manque la dernière mesure à la 5e vuelta ("abukenke"), et la vuelta n'est pas écrite avec un renvoi, comme si elle ne jouait qu'une fois.

Points positifs apportés par la transciption (ils sont rares):
-Le cycle de la clave, sans être précisé, est relativement bien respecté.
-La 3e vuelta est parfaitement bien écrite.
-Dans la quatrième vuelta, le shashá d'iyá marque ce que joue okónkolo - mais comme c'est une partie qu'iyá joue dans la 3e vuelta (où elle marque ce que joue itótele), il est probable également qu'il s'agisse d'une erreur.
-Il est intéressant de constater dans la 4e vuelta (deuxième page de la transciption) l'ajout du shashá sur le 2e temps. Dans l'enregistrement de Cabrera il n'est pas joué, par contre un shashá est joué sur la seconde croche (en ternaire) du 1er temps de la seconde mesure.
-La 5e vuelta est bien écrite, si ce n'est la mesure manquante. La double barre finale prouve que l'éditeur n'y est pour rien.

À ce stade de l'analyse nous nous demandons s'il est censé de vouloir dénombrer toutes les erreurs de transcription, et si la sagesse ne serait pas d'essayer de n'en dénombrer que les points positifs!!!.
Nous imaginons quel mal ont dû se donner les bataleros américains essayant, dans les années 1960, de comprendre le toque à l'aide des partitions.


ECHÚ (Eleguá toque 2)
On l'appelle également "toque a Olókun".

Points négatifs de la trancription:
-La première mesure "à vide" n'est d'aucune utilité, d'autant plus qu'elle correspond à la seconde partie du cycle de la clave.
-Le second "enú" d'itótele est écrit "presionado" au lieu de "abierto".
-Aucun cycle n'est clairement exprimé ici.
-Ortiz précise dans les notes accompagnant les toques que celui-ci "tiene un solo ritmo", mais il existe pourtant deux, voire trois vueltas à ce toque.
Dans "Afro - Tambores Batá" une seconde vuelta connue (ressemblant à la 3e vuelta d'Inle) est bien jouée, à 0.56, qui peut être considérée à la rigueur comme une conversation "jouée en boucle". De la même façon une troisième vuelta connue est jouée à (de 1.05 à 1.25). Le chant "Kini-kini yo Eleguá" est accompagné par un mélange de la 1ère et de la 3e vuelta, agrémenté de conversations placées d'un certaine façon sur le choeur. Ce nouvel élément est très interessant.
-La partie d'okónkolo semble mal transcrite, mais nous verrons plus loin que nous avons trouvé dans un enregistrement une partie d'okónkolo semblable.

Points positifs de la trancription:
-Le toque est bien transcrit et ne comporte apparemment que deux fautes: il manque (apparemment) un shashá dans la partie d'okónkolo et un dièse dans la partie d'itótele.
-Il comporte la conversation la plus basique du toque (mesures 5 à 7), sans toutefois qu'il soit précisé qu'il s'agisse-là d'une conversation. L'usage de double-barres aurait pû être judicieux pour la séparer du reste de la transcription.
-L'existence-même de ce toque dans un orú del Igbodu de style havanais est une information de premier ordre: il est probable que cet usage ait été ancien, et qu'il se soit perdu (comme celui du second toque a Obatalá de l'oro seco, que l'on ne joue plus que rarement, avant le toque actuel), mais qu'il se soit maintenu à Matanzas. Certains appellent ce rythme "toque a Olókun", d'autres "Eleguá ni'ta" du nom du chant qui ouvre la partie du cierre dans laquelle il est utilisé. On peut qualifier ce toque de "générique", car il est utilisé pour plusieurs Orichas: Eleguá (chants des cierres, et nombreux autres chants), Ogún ("Ire Lokun mo iyo Lode"), Babalú Ayé ("Ambe alambele ko"), et Olókun ("Mai mai mai e"). Il est également utilisé pour Egún ("E, Ikí ambe la wo").
-La partie d'okónkolo semble incomplète (le troisème shashá serait mal placé). Pourtant, à l'écoute de dernier morceau de "Afro - Tambores Batá", c'est bien ainsi qu'okónkolo est joué. Il y fait même des variations que nous n'avions jamais entendu, en retardant le second enú de la cellule rythmique transcrite, dans la seconde mesure du cycle, exactement comme un okónkolo de Mariboyé "à l'envers". C'est-là un second fait très intéressant.
La trancription réalisée ici est globalement satisfaisante (il est vrai que le toque est binaire - Gaspar Agüero aurait-il moins de difficulté avec les toques binaires?). La présence de deux shashá d'iyá placés "sur" l'enú d'okónkolo dans la première mesure du cycle est probablement révélatrice d'un style ancien, et constitue là aussi un élément digne d'intérêt. Le shashá en syncope dans la seconde mesure du cycle est sans doute également révélateur d'un style ancien - nous n'en avons trouvé la trace que dans les transcriptions de Milián Galí.


MARIBOYÉ (Ogún)

Points négatifs de la trancription:
-La llamada écrite p.379 était correctement écrite. Malgré cela, la partie d'iyá de la première vuelta du toque a Ogún est très étrange. S'il est à la rigueur concevable qu'on n'y mette pas d'enú, il est impossible que le rythme joué par les shashá transcrit ici ait été joué tel quel par iyá (mesures 1 à 4).
Le cycle de la clave est à l'envers (or, s'il est un toque dans lequel il est aisé d'entendre le cycle de la clave, c'est pourtant bien celui-là).
-À l'écoute attentive des différents styles joués dans nos trois enregistrements de référence (il existe des différences entre eux), aucun ne se rapproche de ce qui est transcrit ici.
-Seules les mesures 5 et 6 sont cohérentes. Soit les liaisons entre certaines notes sont mal placées, soit il en manque… incompréhensible!
Il manque des barres de renvoi pour préciser le cycle de la seconde vuelta.

Points positifs de la trancription:
-Les parties d'okónkolo et d'itótele sont tout à fait correctement transcrites.






AGUERE (Ochosi)

Points négatifs de la trancription:
-À la lecture des notes accompagnant le toque Aguere, on apprend qu'il comprend "seis ritmos que nunca se cantan" ("six rythmes qui ne se chantent jamais"), selon Ortiz. Pourtant, à ma connaissance, on peut chanter au moins deux rezos a Ochosi sur le toque Aguere, et deux coros ("vires" du rezos) qui "collent" bien au toque (vueltas 3 et 5).
-Ce qu'Ortiz considère comme une sixième vuelta est le retour à la vuelta 1 que l'on fait toujours après la vuelta 2.
-Dans la première vuelta, le second enú d'iyá n'est pas sur le temps. Même après comparaison avec nos enregistrements, ce fait semble absurde. D'autant plus absurde qu'il est correctement transcrit à partir de la 6e mesure de la page 386, qui correspond au milieu du "retour à la vuelta n°1".
-Fait exaspérant, dans la partie d'itótele, à la 3e et à la 7e mesure une faute grossière d'écriture est commise: le premier temps contient 5/4 de temps. Cette faute est "tempérée" par le fait qu'à la mesure 12 (la troisième fois que cette figure apparait) Gaspar Agüero ait inséré ces 5/4 de temps binaires dans un triolet de croches, les transformant du même coup en 6/6 de temps ternaire (ouf!…). S'agit-il d'un oubli dans les deux premiers cas?

Points positifs de la trancription:
-Okónkolo ne change pas dans la vuelta n°2. Or dans "Afro - Tambores Batá" et dans l'oro seco de Cabrera, c'est bien ainsi qu'il est joué. C'est là un premier point intéressant.

(Crédits photo: Roberto Salas)


À ce stade de l'analyse, nous décidons d'arrêter là (pour le moment) une étude détaillée fastidieuse qui nécessiterait (pour plus de clarté) des images scannées des pages solfiées dans Ortiz (voire d'éventuelles propositions de corrections solfiées). Cette étude, qui sera trop longue à réaliser pour l'instant (et en tout cas qui se révèle beaucoup plus longue que ce que nous avions prévu), nous nous proposons de la reporter à une date ultérieure.
Comme toujours, les commentaires seront les bienvenus à propos des éléments déjà dégagés. Le peu de commentaires laissés sur ce blog (un blog est censé être interactif) sur plus de 800 visites depuis sa création nous a fait perdre espoir dans l'intérêt que les gens y trouvent. Les remarques entendues par des internautes en train de "surfer" sur ce blog ont été désespérantes: "il y a beaucoup trop de choses à lire!!" (et pas assez à télécharger, visiblement?).
Nous allons donc laisser là cette étude inachevée, en essayant d'ordonner rapidement les notes ci-après. Nous y reviendrons plus tard, car nous considérons cette étude comme enrichissante. (…)

Voici pêle-mêle les autres problèmes relevés dans les transcriptions de l'orú seco:
(Toutes ces polémiques seront à re-considérer objectivement comme nous avons tenté de le faire plus haut, en les comparant aux enregistrements cités comme points de référence).

-Le toque "Obaloke" n'a qu'une vuelta (la seconde). C'est le cas dans l'oro seco de Cabrera.

-Dans le toque a Inle la partie d'okónkolo est incomplète. La dernière vuelta du toque est en 2/4.

-La première partie du toque Iya nko'tá de Babalú Ayé n'est à jouer qu'une fois.

-Dans la partie d'okónkolo du toque a Osáin il manque un shashá. Dans la partie d'itótele il manque un enú. Seule le première vuelta est transcrite. dans l'oro de Cabrera, c'est la seule 3e vuelta qui est jouée.

-Dans le toque a Osun les vueltas sont dans le désordre.

-Dans le toque à Obatalá la llamada intervient au mileu du cycle, (c'est bien ainsi que commence le toque dans l'oro de Cabrera !!) et la phrase d'iyá transcrite en lieu et place de la seconde vuelta est pour le moins étrange. Le cycle de "Chikam'bo" est résolument fantaisiste.

-Dans la seconde partie du toque a Dadá les parties d'iyá et d'itótele sont à l'envers l'une par rapport à l'autre. Pourtant, dans l'oro de Cabrera il nous semble bien entendre ce qui est transcrit ici.

-De la même manière que pour Ochosi, Ortiz dit "qu'on ne chante pas sur le toque a Agayú", mais qu'on "dit un rezo à la façon d'un chant sans relief" (sic). Pour la seconde fois, il ne considère pas les rezos comme des chants. Dans la transcription, itótele ne répond pas à l'appel de conversation d'iyá.

-Dans le toque a Ibeyí la llamada initiale n'est pas jouée.

-Dans le toque a Oricha Oko la structure du toque n'est pas précisée, et la seconde vuelta est obscure. Dans l'oro de Cabrera le toque est encore moins compréhensible, et difficile à reconnaître.

-La transcription du toque Didilaro a Changó est on ne peut plus sommaire.

-Dans le toque a Yegguá les shashá d'itótele s'arrêtent dans la "longue conversation", dont il manque une mesure au cycle, les barres de renvoi ayant été mises une mesure trop loin.

-La transcription du toque a Oyá est également assez sommaire.

-Dans le toque a Ochún la partie d'okónkolo est incomplète.

-Dans le toque a Yemayá itótele répond sans raison, et il manque plusieurs parties dans le toque.

-Dans la dernière vuelta du toque a Obba (Egbaddo) okónkolo ne change pas. La version semble proche de celle de Cabrera.

-La transcription du toque a Oduduá est relativement logique. Elle est très proche de celle de Cabrera.

Même jeu de tambours confisqués que dans la photo
plus haut, collection Fernando Ortiz


Une autre information fondamentale, contenue cette fois dans "Los Bailes y el Teatro…" est la liste des chants et des toques utilisés pour l'oro cantado, ayant à l'esprit qui sont les informateurs d'Ortiz - sujet dont l'intérêt ne peut pas nous apparaître à la première lecture du livre. De plus, à cause des erreurs d'interprétation, (encore une fois les toques sont tous en 2/4), et à cause des transcriptions étranges des chants, la musique est difficile à reconnaître.

ORÚ CANTADO selon Fernando Ortiz:
(d'après les informations contenues dans "Los Bailes y el Teatro de los Negros en el Folklore de Cuba")
-Oricha (toque) et "chant(s)".

-Eleguá (toque Latopa) "Ibarago", "I Chonchón abe" et "Abukenke"
-Ogún (toque Mariboyé) "Ogunde're Arere" puis
(toque Chachalokafún) "Achó ewé Ogundé" et "E e i jekuá"
-Ochosi (toque Achó ewé) "Ochosi Ayilodda", "Wole wole",
"Yambeleke iloro", "Igwara ode fa" et "Fa wo rere kun foya"
-Oricha Oko (toque Wo le nche) "Oricha Oko okun feye weye" et
"A eyi o" puis (toque Ñongo) "Yo mbale mi sire re o"
-Inle (toque Ñongo) "E o Inle", "O Inle kere ago Lona" et
"Taraya ko ko taraya"
-Babalú Ayé (toque Bariba ogue dema) "Bariba ogue dema",
"Agadagodo kori eleko", et "Baba e, Baba soroso"
-Obatalá (toque Baba Fururú) "Baba Fururú", "Iwere iyeyé" puis
(toque iyesá) "Baba Oba oma se ye"
-Dadá (toque Wo le nche) "Dadá omo lowo Dadá"
-Oggué (toque a Oggué) "Korinkoto mi Lodo", "Oloyú Loyú re o"
et "Malamalá dé Oke"
-Agayú (toque a Agayú Chola) "Oke oke Agayú lo ma Loricha",
"Oyá Oyá o takuá" et "Oyansa ma terere ma"
-Ibeyí (toque Kele kele ya) "Kele kele ya" puis (toque Yakota)
"Beyi re omo edun" puis (toque Ñongo) "Beyi la ese Aremú Beyí loro ese"
-Changó (toque a Agayú Chola) "E lube lube yo mbala",
"Ayaba nilé Oba oso", "Mo foyú gbo re le", puis
(toque Chachalokafún) "Ogodo e e, a wa meta"
-Obba (toque Kán-kán de Obba) "Obba, Obba torí ma wo",
"Obba eleko aya osi", "Ewé Iyá o, ewé ewé si", puis
(toque a Obba 3ra vuelta) "Eñi owo"
-Yegguá (toque Yakota) "Iban Laye korú mo Yegguá",
"A wa kun fera wa si lode" et "Uyenye eriko"
-Oyá (toque a Oyá por derecho) "Ayiloda Oyá o kú o", puis
(toque spécifique) "I e i jekuá", puis (toque Kán-kán de Obba)
"Oyá Oyá o Imbaloke Alatakuá"
-Yemayá (toque Wemilere) "S'okú'ta niwo", puis
(toque Yakota) "Bara ago ago Yemayá" et "Boda Asesú oni Yemayá"
-Ochún (toque Iyamase lo bí Changó) "Ochún kerekete mi owó"
puis (toque Yakota) "Oúro were were oúro", puis (toque iyesá) "Yeyé Olude".
-Orula (toque a Orula 1ra vuelta) "Yoko bí yoko bí" puis
(toque a Orula 2nda vuelta) "Ofe yekete oluó serawo", puis (toque a Orula 3ra vuelta) "Ounko Orula".

Commentaires sur l'ordre de cet oro cantado:
Il manque Osáin dans cet orú cantado. Ortiz s'en explique en disant
p. 396 de "La Africanía…", dans la partie consacrée à l'orú seco:
"En La Habana no se le canta a este santo fuera del igbodu, pero sí en regiones interior de Cuba". Soit:
"À La Havane on ne chante pas pour ce saint en dehors de l'igbodu, mais on le fait dans les régions intérieures de Cuba". Doit-on en déduire que le fait d'inclure Osáin dans l'oro cantado est un usage récent venant du bembé ou du güiro (styles ruraux) ?
L'ordre de cet orú cantado ne correspond pas vraiment à ce que nous considérons comme l'ordre "standard", si on peut toutefois affirmer qu'il en existe un. Les trois "guerriers" sont bien au début - et cette partie semble toujours immuable.
Du trio d'Orichas qui suit, soit (Oricha Oko, Inle et Babalú Ayé), nous avons souvent vu Oricha Oko en troisième position. Il est vrai que l'ordre de cette partie est variable.
Plus étonnant est la place d'Obatalá, qui "normalement" vient après Changó, ce qui le place habituellement "à la frontière entre masculin et féminin", lui qui a des "chemins" féminins.
Dadá, Oggué, Agayú et Ibeyí forment "la famille de Changó", toujours placée avant lui, dans un ordre très variable.
La fin (la partie "féminine") de l'orú et sa clôture par Orula est très "classique".

Trinidad Torregrosa (à nouveau) jouant la caja du güiro
(Crédits photo: Fernando ortiz)


Commentaires sur le répertoire de cet oro cantado:
Les points de référence que nous avons sont essentiellement modernes: il s'agit l'enseignement que nous avons reçu et les nombreuses cérémonies auxquelles nous avons assisté (voire participé). C'est bien évidemment avec ces points de référence que nous donnons notre avis sur ce qui suit.
-Le premier élément "non-commun" que nous noterons est l'utilisation d'un chant sur le toque iyesá pour Obatalá. De façon "moderne", ce toque est utilisé dans l'oro cantado si Obatalá "clôt" l'orú (si le "tambour" est pour lui). Le toque "iyesá" est souvent utilisé "para guarachar", et son utilité dans l'oro cantado nous parait plus ou moins bien-fondée.
-Le répertoire utilisé pour Changó est plus étonnant: c'est la première fois que nous le voyons utilisé dans un oro cantado.
-L'usage du toque "Bayuba Ka nte" ou "Oyá por derecho" pour accompagner le chant "Ayilodda Oyá o kú o" n'est pas inhabituel, c'est le fait de ne pas passer au Tui-tui qui nous semble original.
-L'usage du chant "Ochún kerekete mi owó" est résolument ancien (et rare). Les enregistrements de ce chant sont eux-aussi rares. Nous n'en connaissons que deux: l'un est public, il s'agit du disque du flûtiste Herbie Mann "¡Flautista!" (Verve 1959) dans lequel figurent Carlos "Patato" Valdés, José Luis Mangual et Santos Miranda; en voici le texte:
Ochún kere kete mi owó, Ochún kere kete mi owó
Omi'dara'mi'dara o je, Ochún kere kete mi owó
Omi'dara'mi'dara o je, Ochún kere kete mi owó

La mélodie de ce chant est très semblable au chant "Iyamase lo bí Changó" - d'ailleurs, c'est le toque employé dans l'oro d'Ortiz pour l'accompagner, si on en croit les transcriptions. Ce fait est particulièrement intéressant.
L'autre version enregistrée de ce chant que nous possédons est du domaine privé, il s'agit de l'enregistrement que nous avons réalisé à Camagüey (grâce à Dominique Gombert) avec le chanteur-percussionniste-danseur Alejandro "Mafé" Mola Certo du Ballet Folklórico de Camagüey. En voici le texte:
Ochún cherekete mi owó, Ochún cherekete mi owó
Omo Oddara, Oddara o chekete
Ochún cherekete mi owó, omo Odara, Odara o chekete

(l'akpwón et le choeur répètent la même structure intégrale du texte ci-dessus)
Le texte proposé par Ortiz est très différent. Précisons encore que "chekete" est une boisson: "refresco de maïs fermenté et d'orange amère (et de miel?) en usage dans les fiestas de Santo" (Cabrera - Anago). À nouveau à la fin des chants pour Ochún on trouve le répertoire "iyesá", ce qui nous inspire la même réflexion que pour Obatalá.
-Dans Orula, il n'est pas précisé qu'on retourne au premier chant (et à la première vuelta du toque) à la fin. C'est pourtant l'usage - s'agit-il ou non d'un oubli? C'est vraisemblable, au vu du manque de précisions déjà entrevu plus haut.

Bien que notre étude soit loin d'être terminée, nous estimons néanmoins qu'elle a été enrichissante. Nous espérons la terminer quand nous disposerons de plus de temps. Pour toute précision sur des passages qui peuvent vous sembler obscurs, nous vous rappelons que vous pouvez laisser vos questions sous forme… de commentaires en cliquant simplement ci-dessous.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Il semble que vous soyez un expert dans ce domaine, vos remarques sont tres interessantes, merci.

- Daniel

Anonyme a dit…

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