mercredi 23 janvier 2008

Les Méthodes de Tambours Batá: numéro quatre - Citypercussion, l'oro seco d'Ángel Bolaños

Ángel Bolaños et Julio Guerra


Média: Site internet
Langues: Français
Note: 14/20
Édition: Citypercussion.com

1: Stefan Weber; 2: Olivier Gagneux
3: Sébastien Gagneux; 4: jB Meier


Le recueil de transcriptions de l'orú seco havanais qu'on peut trouver - depuis 1996 - sur le site suisse de Citypercussion ICI, est en fait entièrement gratuit. Par contre, il ne s'agit pas à proprement parler d'une méthode de tambours batá, mais plus simplement de pages manuscrites qui ont été numérisées, et mise à la disposition du grand public: 100 pages - tout rond - de transcriptions !!. Rien que pour cette raison, le "collectif" d'artistes de Citypercussion mérite un salut tout particulier.
Le style de cet orú seco est clairement annoncé: il s'agit (principalement) de celui d'Ángel Bolaños, même si les auteurs avouent la présence de "quelques infos émanant d'autres rencontres".

Sur ce site helvétique qui ne se veut ni clinquant ni prétentieux, on trouvera quantité de choses intéressantes dans les domaines les plus variés, du folklore au contemporain. La partie cubaine du site est chapeautée par quatre percussionnistes:

-Stefan Weber,

-"jB" Meier
et les frères:
-Olivier et Sébastien Gagneux

Stefan Weber est venu du monde de la percussion africaine pour aller vers les tambours batá. Sur Olivier Gagneux il est impossible d'obtenir d'autre information que son e-mail (on ne pourra pas lui reprocher de vouloir se mettre en avant).
Sur Sébastien Gagneux on peut obtenir un peu plus d'informations: il est allé (comme beaucoup) de la musique populaire "salsa" de New York vers la musique populaire cubaine. Dans son court c.v. ne figurent pas de professeurs cubains folkloristes, mais il mentionne sa collaboration (sans préciser de quoi il s'agissait) avec rien de moins que: le Conjunto Folklórico Nacional, Raices Profundas et Yoruba Andabó!
C'est sur jB Meier (impossible de connaître son prénom en entier - probablement Jean-Baptiste…?), on apprend un peu plus de choses: tout d'abord, il a apposé son copyright sur les transcriptions - on peut donc supposer qu'il s'agisse de son oeuvre manuscrite. Son c.v. est assez impressionnant et touche à de nombreux domaines de la percussion. Il est né à Grenoble (est-il français, a-t-il la double nationalité franco-suisse?) et a étudié au Conservatoire Supérieur de Genève (une référence en Europe). Il a étudié à Cuba avec Mario Jáuregui et Andrés Chacón, et probablement, donc, avec Ángel Bolaños.

Pas d'explications sur comment jouer les batá: les frappes, l'accord, l'histoire des tambours ne sont pas abordés.
On trouvera dans le site Citypercussion un important chapitre sur la musique cubaine, dont la plus décevante est une partie appelée "livre", dans laquelle on trouve des affirmations quelque peu fantaisistes, et parfois contradictoires, sur ce qu'on appelle ici le "folklore populaire" (sic). Exemples: "les tambours de yuka sont certainement à la base de la rumba", puis, plus loin, "l'origine de la rumba est ganga". Si l'on peut comprendre que ces "vieux" textes, qui figuraient déjà sur le site en 1996 - époque où le folklore cubain était mal connu encore en Europe - comportent de (trop nombreuses) idées hasardeuses, et abusent d'une terminologie parfois inadéquate, on peut déplorer qu'il n'ait jamais été remanié.
Mais au vu de ce qu'il offre au grand public au niveau des transcriptions, on ne peut dire de ce site qu'il soit obsolète, bien au contraire…

Citypercussion propose également de courts extraits audio d'oro seco au format Real Player, et des séquences midi des cinq premiers toques: en 1996 on croyait certainement plus à cet outil qu'on y croit aujourd'hui. Outre les extraits audio, on trouve également, toujours au format Real Player, des extraits de deux disques, soit: l'un du Conjunto Folklórico Nacional (très rare), et l'autre d'Afrocuba de Matanzas, ("Rituales Afrocubanos"). Des transcriptions des textes des chants que l'on peut écouter dans les fichiers Real Player sont proposées. Le problème est que ces derniers sont au nombre de… quatre (deux pour Eleguá, un pour Ogún, un pour Babalú Ayé). Il semble qu'un travail ait été ici mis en chantier, puis rapidement abandonné, malheureusement pour nous tous.

3 des 6 pages proposées
du toque "Latopa" à Eleguá


Les transcriptions "brutes" ont été réalisées avec un soin relatif, mais les rythmes transcrits ont le mérite d'être plutôt authentiques et précis. On utilise quantité de duolets dans les transcriptions ternaires (nous avons déjà exprimé notre avis à ce sujet dans les articles précédents), et des triolets dans les transcriptions binaires, ainsi que des superpositions de métriques différentes pour deux parties parallèles de tambours. Tous ces éléments peuvent déconcerter les novices n'ayant jamais abordé les tambours bata, étant l'absence d'explications founies…
Les indications pour débuter et finir les toques sont assez claires, et le cycle de la clave est respecté (mais non-transcrit), mais trop souvent condensé en une mesure (nous avons également exprimé notre avis à ce sujet plus haut). Il est vrai qu'ici aucune ambition de publication officielle n'est affirmée, et le caractère "notes de brouillon" des transcriptions a quelque chose de sympathique, malgré tout…

"jB" Meier


Les nombreuses variantes d'iyá proposées sont du plus grand intérêt. L'introduction du toque à Osáin, "qui rompt le cycle du toque" est intéressante car on ne la rencontre que rarement, bien qu'elle existe bel et bien ainsi jouée. Le toque à Osáin tel qu'il est transcrit ici dans sa totalité est globalement très intéressant, surtout dans les llames de passage, peu courants mais authentiques.
Un débutant sera sans doute perdu au premier abord dans l'enchevêtrement des notes manuscrites, mais quelqu'un ayant déjà étudié un style havanais (ou ayant de bonnes bases sur itótele et okónkolo y trouvera quantité d'informations capitales.
Le premier toque à Obatalá est bien présent, pour une fois (il nous semble qu'il y manque une croche en anacrouse sur la llamada initiale d'iyá - enú abierto). L'enchaînement au second toque pour Obatalá est très intéressant. La métrique utilisée y est étrange, car pour nous le toque est résolument ternaire, rien que par rapport aux chants que l'on place habituellement dessus.
La première page du toque à Agayú semble avoir disparu du site. Heureusement pour moi, j'ai pu il y a dix ans en sauvegarder une copie. Curieusement, il semble que la définition des images numérisées était moins bonne à l'époque que maintenant. La structure du toque à Oricha Oko est très confuse, ainsi que celle du toque à Ibeyí.
Le cycle du toque à Ochún est encore transcrit différemment, comparé aux transcriptions des deux ouvrages précédents. Décidément, personne n'est d'accord à ce sujet. Ce dernier fait prouve bien que c'est l'absence d'un chant "en clave" sur ce toque qui crée l'ambigüité, et que la connaissance des chants est fondamentale pour le sens du cycle des toques. La méconnaissance des chants sera souvent à l'origine des erreurs de transcription de cycles, voire parfois du placement de la pulsation, comme nous le verrons plus loin dans le cas d'autres ouvrages.

Stefan Weber


Il faut néanmoins remercier encore ce collectif de percussionnistes, dont sans doute en premier lieu "jB" Meier, pour avoir fait l'effort de diffuser gratuitement ces notes que nous considérons de toute façon précieuses (il s'agit du style de Bolaño', ce qui n'est pas anodin), et de les avoir diffusées à une époque où les tambours batá avaient en Europe une renommée encore très confidentielle, et où la seule méthode de tambour (havanaise) disponible était celle de John Amira et Steven Cornelius (1991), de style assez différent.

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