dimanche 10 août 2008

Disparition d'Orlando "Puntilla" Ríos 1/3


Ce jour, mardi 12 août 2008, à 1h30 du matin, Orlando Ríos dit "Puntilla" nous a quitté, suite à un nouvel accident cardiaque.
Il était né à La Havane en janvier 1947.
Ned Sublette nous dit "qu'il était sous dialyse depuis plusieurs années".
Arrivé aux USA avec la vague des Marielistes, il avait changé à lui tout seul le paysage des batá à New York, devenant LA source nouvelle pour tous les bataleros américains.
Il était également connu comme un grand rumbero, et a marqué son arrivée aux USA avec son interprétation de "Oferere" et de "Arere" sur le disque "Totico y sus Rumberos" (MONTUNO MCD 515) en 1992, dont il est d'emblée le directeur musical.
Sur la pochette ci-dessous, Puntilla est le petit homme appuyé au réverbère, et semble frigorifié, les mains dans les poches de son blouson de cuir.


Voici la décima de "Arere":

Oye señores caramba,
le voy a hacer un relato
que por un río yo pasé
Parado allí yo me quedé
a contemplar el agua limpia
fresca y clara
Mi alma recocijada
una Santa me encontré
al verla yo me impresioné
Oye, que me dijo vacilante:
“camina muchacho un poco más pa’lante
y encontraras a Eleguá,
Santo que sin ninguna mata
te limpiará tu camino
Obatalá es tu camino,
oye, pues te cuida sin cesar
y te librará, muchacho
de toda tu males y manías
tu ves…
Omoni Alawana mama ke nya irawo, e…




Présidant avec succès de nombreux "tambours" dans les caves de New York et de la côte est-américaine, il avait immédiatement après son arrivée aux Étas-Unis monté son propre groupe, "Nueva Generación" avec lequel il a d'emblée enregistré un album live: "Spirit Rhythms" (LATITUDES LAT50603) en 1987. Ce cd est complètement épuisé, même sur le site de Latitudes.

(Photo tirée de "Orin Oricha" de John Mason)


(Román Díaz et Puntilla)

Il participe ensuite à l'ambitieux projet "Santísimo" d'Emilio Barretto, dont le premier album est retentissant, de nombreux directeurs de troupes folkloriques de Cuba rêvant encore d'avoir un choeur "sonnant" comme celui qui figure sur ce magnifique cd. Outre ces prouesses chorales, le disque contient plusieurs joutes vocales entre Emilio Barretto, (dont certains trouveront ses interprétations non-traditionnelles quelque peu déroutantes) et une Amelita Pedroso démontrant toute sa maîtrise et toute sa classe.
Puntilla nous gratifie, lui, d'un iyesá pour Iroko et Ochún particulièrement savoureux:

"Kó kó kó Iroko mo iyesá
E bí abba uchiche Arabba
Arabba sise oguedde
E bí abba sise Arabba
Arabba sise oguedde
Iroko lo iyesá
Gba ilé kó kó kó


Santísimo, premier album
(les couleurs de la pochette ont été changées)


Le second disque du projet Santísimo est un tambour "double" enregistré dans les conditions d'une cérémonie, avec un son beaucoup plus approximatif mais beaucoup plus authentique:

Santísimo, second album


Parallèlement, Puntilla participe à l'enregistrement des deux albums de Deep Rumba (ou "Rumba Profunda"), avec de nombreuses stars du Latin Jazz:
-"Alto en la Fiebre de la Rumba" avec Horacio "El Negro" Hernández, Robby Ameen, Xiomara Laugart, Andy González, Richie Flores, Paoli Mejías, Haila Monpié, Giovanni Hidalgo, Román Díaz, Pedrito Martínez…

et
-"This Night Becomes a Rumba", avec plus ou moins les mêmes musiciens, plus Milton Cardona, Rubén Blades et Jerry González:


Plus récemment, au début des années 2000, Puntilla renoue les contacts avec les rumberos de La Havane pour deux albums de pure rumba:
Le premier d'entre eux doit constituer la bande originale du film de Marta Moreno Vega et Bobby Shepard:
"Cuando los Espíritus Bailan Mambo":


On peut déplorer que ce magnifique film ne soit toujours pas en vente…


Le cd:
Sur ce double-album figurent quatre groupes, plus un groupe de rap, "Anónimo Consejo", soit:
-Los Egun Hablan (en fait il s'agit de membres de Rumberos de Cuba).
-Grupo Yoruba Andabó
-Conjunto de Clave y Guaguancó
-El Conjunto Estrellas Cubanas, une célèbre charanga, jouant un "violín a los Orichas".


Le second d'entre eux, bien qu'ayant été enregistré en 2003, n'est sorti qu'en 2007. Il s'agit encore une fois du groupe Rumberos de Cuba - rebaptisé pour l'occasion "Puntilla y el Conjunto Todo Rumbero", avec de nombreux invités:


Puntilla y el Conjunto Todo Rumbero -
A Tribute to Gonzálo Asencio Tío Tom, 1919-1991
(SMITHSONIAN FOLKWAYS SFW40543-101)
.

L'album ne comporte que des rumbas écrites par ce dernier, à l'exception d'une columbia en son hommage. Vous trouverez la quasi-totalité des paroles de ce disque sur le site du cancionero rumbero.
Vous pouvez également en écouter des extraits et en télécharger le livret ICI.


Les musiciens sur ce cd sont, outre Puntilla,
El Conjunto Todo Rumbero (Rumberos de Cuba):
-Maximino Duquesne (tres-dos)
-Marquito Herminio Díaz (tumbador)
-Mario "Aspirina" Jáuregui (quinto)
-Ernesto Gatel (chant)
-Aidita (coro)
-Miguel Ángel Mesa
et
Les invités:
-El Goyo Hernández
-Lázaro Rizo
-Geovani del Pino
-Juan Cámpos Cárdenas "Chán"
-Miguel Chapottín Beltrán

(avec Michele Rosewoman, du "New Yor-Uba" ensemble)

(janvier 2004, La Havane)

Malheureusement, de nombreux problèmes de santé commencent à peser sur la vie de Puntilla, dès le début des années 2000.
Sa magnifique énergie passée s'estompe peu à peu, et sa magnifique voix se détériore, ainsi que son oreille. On l'entend de plus en plus, c'est un drame pour tous ses fans, il a de nombreux problèmes de justesse, chose qui jamais ne lui arrivait auparavant. Il vient se faire soigner à Cuba, le système de santé américain coûtant très cher, et en janvier 2004 il organise chez lui à La Havane une magnifique rumba à laquelle nous avons eu la chance d'assister. Dans son salon, ses amis visionnent les rushes du film "Cuando los Espíritus Bailan Mambo". Au dehors, El Negro Triana et Salazar chantent sans relâche. Chapottín, Ernesto Gatel, Chaguito, et une vingtaine d'autres rumberos sont là. Puntilla porte un énorme pansement abdominal et ne chante pas, mais avant de souhaiter à tous une bonne nuit, il entame "Mi Arere" sur le perron, et demande à Ernesto Gatel de poursuivre avec "El Trovador". Voici l'enregistrement de ce moment;




La place de Puntilla dans le monde rumbero et santero est grande, il est également reconnu dans le monde plus fermé du Latin Jazz: quand Fernando Trueda s'offre le luxe de louer les studio Sony pour son film "Calle 54", il fait appel à Puntilla pour la rumba qui cette année-là est dans toutes les têtes:

"Si a Compay Galletano ¿cómo sin diente wa a mole'?
Wai, wai, wai ilaso
Wai, wai, wai ilaso
Wai, wai, wai ilaso
Kó kó wa a mole"


Il a réuni pour l'occasion dans "Nueva Generación" pas moins que:
Patato Valdés, Andy González, Román Díaz et Pedrito Martínez.
Je me souviens, quand le film est passé sur Canal+, avoir visionné des dizaines de fois la cassette vidéo, et toujours la chair de poule à fleur de peau. Chez moi, les enfants chantaient en boucle: "Ma ni Lodo, ma ikokó ka iña…"

Ibae ibae n'tonú Orlando Puntilla…

Voici pour terminer quelques extraits venus de YouTube. Un grand merci à ceux qui les ont "postés".








Dans ce dernier extrait, Amadito (le fils d'Amado Dedeu), Ernesto Gatel (qui affirme que Puntilla est sa principale source d'inspiration) et Tata (Pedro Franscisco Almeida Berriel) sont en ligne avec Orlando… émouvant.

samedi 9 août 2008

Disparition d'Orlando "Puntilla" Ríos 2/3

Images de Puntilla:
(De Guarachón:)
"Notre ami Gene Golden nous transmet ces photos de Puntilla, prises par Allen Spatz lors du Smithsonian Folklife Festival le 28 Juin 2008. Plus de photos sur www.vinilemania.net.

Gene Golden, Puntilla, et Abraham Rodriguez




Photos prises lors du Damrosch Park Show

vendredi 8 août 2008

Disparition d'Orlando "Puntilla" Ríos 3/3

Un autre album de Puntilla:


Autre volet de notre hommage, voici un album introuvable et méconnu en France d'Orlando Puntilla, en fait son premier disque aux USA: "De La Habana a Nueva York." Il a été publié par la "Puntilla Folkloric Records Co.", un label éphémère, et il n'a bien entendu jamais été éditéen Cd.

La liste des morceaux:
Face A
  1. Chants for Babalú Aye (Arará a capella)
  2. Ichara Ichá (Arará)
  3. Iyesá for the Orishas (Iyesá)
  4. Yemayá (Yoruba)

Face B
  1. Chants for Agallú (Yoruba)
  2. Hondos Dolores (Guaguancó de Tío Tom)
  3. Tu Ley (Rumba de Tío Tom)
  4. Rumba for Elegguá (Rumba de Rubén Martínez [sic] "El Tao")

PERSONNEL:

Hector "El Flaco" Hernández - Iyá, Chékere
Gene Golden - Itótele / Guagua (Tu Ley)
Carlos Córdoba - Okónkolo / Bombo / Drums
Carlos Sánchez - Chékere
Orlando Ríos "Puntilla" - Iyá (Chants for Agallú) / Quinto (Tu Ley)
Daniel Ponce - Itótele (Yesá) / Trois Congas (Rumba for Elegguá, Hondos Dolores)/Tumbadora (Tu Ley)
Miguel Fuentes - Guaguá / Okónkolo / Marimba
Lázaro "Popó" Parrado - Clave

Chanteurs:
Orlando Ríos "Puntilla"
Olufemi Mitchell
Alberto Morgan
Carlos Sánchez

Choeur:
Iris de Palá / David Palá

Vous pouvez télécharger cet album ICI

vendredi 1 août 2008

Disparition d'Armando Aballí "El Monón"


Encore une fois, un grand joueur de tambour batá nous a quitté, à la fin de ce mois de juillet.
Armando Aballí, disciple de Jesús Pérez, en plus d'être un musicien de rituels connu et respecté, est devenu musicien de folklore professionnel au sein du Teatro y Danza Nacional et de son orchestre de percussions, au côté de Jesús Pérez et de Regino Jiménez. Il portait le surnom peu gracieux de "grand singe", sans doute à cause de sa corpulence.
Armando est venu à de nombreuses reprises en Europe, et a compté quelques élèves dans notre pays.
C'est au sein de ce ballet qu'il laissera son témoignage "gravé dans la cire" en participant au disque "Homenaje" à Jesús Pérez (AREITO LD 4246 - 1987), que l'on peut encore trouver, je l'espère pour tous ceux qui ne l'ont jamais entendu, sur le remarquable site du percussionniste américain Mark Sanders: http://fidelseyeglasses.blogspot.com



(nous reprenons ici une partie de l'article déjà paru sur Regino Jiménez:)
"Cet album, jamais édité en cd, était un des rares enregistrements de musique yoruba disponibles à la fin des années 1980. N'étant plus disponible nulle part, nous essaierons bientôt d'en mettre une version numérisée en téléchargement gratuit sur ce site. Le personnel en est l'équipe de percussion folklorique de Danza Nacional, avec à sa direction Regino Jiménez. Les autres musiciens sont, tel que l'annonce la pochette du disque vinyl:
Ángel Bolaños - coordenador
Orestes Berrio - tumbas, batá
Armando Aballí - tumbas, batá, coro
Orlando López - censerros
Alejandro Pichardo - trompeta, catá, tumbas
Inés Carbonell - coro
Nancy Rodríguez - coro
Ricardo Gómez Santa Cruz - coro
Orestes Suárez - coro
Ciro Colás - coro

(Le "Orlando López" en question ici est probablement Orlando López Alonso "El Bailarín")

Aucune précision n'est apportée quand au rôle de soliste des chanteurs. Outre la musique yoruba et arará (8 titres), le disque comprend
-du folklore congo: "Rezos y Cantos de Palo", "Canto de Garabato", "Rezos y Cantos de Makuta" et "Canto de Yuka".
-du folklore abakuá: "Enkame de Abakuá (Efó-Efí)".
-deux rumbas: "Guaguancó" et "Columbia".
-une conga"

PS: Nous avons appris la mort d'Armando de manière plutôt étrange, en demandant autour de nous la confirmation d'un bruit venu des USA qui annonçait la mort de Guillermo Escolástico "El Negro" Triana. Grâce à Jérémie Nassif, nous savons qu'el Negro se porte bien,mais c'est ce dernier quinous a appris la disparition d'Armando.
Ibae ibae nt'onú Armando El Monón…